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Le langage inclusif pour les nul·les

11 raisons d’utiliser un langage inclusif en entreprise

Tout a commencé un jour de janvier 2021 alors que je descendais ma poubelle (je vous promets, ça va atterrir sur quelque chose d’intéressant, cette anecdote).

Dans le local poubelle, il y a une étagère rose où les gens de l’immeuble déposent les objets divers qui ne servent plus afin de leur donner une éventuelle deuxième vie auprès d’une voisine ou d’un voisin.

Ce matin de janvier, j’ai jeté un œil sur l’étagère et vu un livre dont la couverture m’a interpelée : Le La ministre est enceinte de Bernard Cerquiglini. Ce livre a marqué mon entrée dans le vortex du langage inclusif, vortex dont je ne suis jamais sortie.

Naissance d’une vocation

Cette histoire justifie aussi le titre accrocheur (pour ne pas dire « putaclic ») de cette vidéo qui explique les grandes étapes de mon parcours professionnel qui ont mené à la création de re·wor·l·ding.

Regardez-la, je me suis donnée du mal 👇🏻

Depuis cette trouvaille dans le local poubelle, il s’est passé quoi ?

J’ai utilisé mes collègues chez Google comme cobayes pour ma première formation : j’ai eu le grand privilège de pouvoir tester mes idées sur 350 personnes, de récolter leurs feedbacks, d’en tirer des enseignements (ça aussi je le raconte en vidéo en 2’32 sur YouTube si ça vous intéresse).

J’ai quitté Google pour me lancer à fond dans le projet re·wor·l·ding et en faire à la fois


Aujourd’hui, ça fait un an que j’ai quitté Google pour me consacrer à re·wor·l·ding et l’heure du bilan a sonné. Sur LinkedIn, j’ai partagé mes 3 enseignements de cette première année et ses chiffres marquants (chiffre d’affaires compris). Ici, je vous la livre sous la forme d’un syllogisme :

Le langage inclusif en entreprise est largement impensé.
Or ce qui n’est pas pensé ne peut pas être mis en œuvre.
Il faut donc faire penser les entreprises pour qu’elles passent à l’action pour plus d’inclusion.

Eduquer le marché, faire penser les entreprises


Ces 12 derniers mois, j’ai eu la chance d’intervenir régulièrement dans des entreprises ou sur l’invitation d’associations professionnelles, dans des conférences, table-rondes et autres apéros engagés.

A chaque fois, j’observe les visages qui s’éclairent quand je parle, les « aha moments » dans l’auditoire, les mines d’abord renfrognées qui finissent par hocher de la tête, en signe d’approbation.

Je le vois : mes arguments convainquent.

Et les arguments les plus convaincants ne sont pas ceux qui mettent en avant la justice sociale (ça serait trop beau), mais ceux qui parlent aux gens de leur métier de communicant·e, au sens large.

  • Comment faire pour avoir une communication inclusive et lisible ? Inclusive et efficace ?
  • Comment convaincre les équipes marketing ?
  • Comment aligner mes indicateurs de performance de marque avec les enjeux d’inclusion ?
  • Comment ne pas risquer le « backlash » sur les réseaux sociaux ?
  • Comment faire comprendre mes besoins à mon agence ?
  • Comment faire comprendre à cette marque qu’elle loupe une opportunité dans son brief ?

Il se trouve qu’après 3 ans à creuser le sujet, j’ai des réponses à ces questions. Quand je l’écris, ça sonne prétentieux mais pour reprendre les mots de Brené Brown, ce n’est pas de la prétention, c’est de la « grounded confidence ». De la confiance ancrée dans ma certitude que je ne sais pas tout, mais que j’ai passé assez de temps à penser ces sujets pour identifier des pistes très concrètes pour comprendre et passer à l’action.

En gros, j’ai fait sortir le langage inclusif de mon local poubelle.

Mais maintenant, j’aimerais bien que tout le monde fasse pareil. C’est pourquoi j’ai développé un nouvel outil à ajouter à ma grande besace de l’éducation au langage inclusif.

Un condensé d’expertise à deux clics d’ici

La semaine dernière, j’ai donc publié le premier ebook de re·wor·l·ding qui s’appelle Le langage inclusif, ce levier auquel vous n’aviez pas pensé pour une com plus juste, plus créative et plus efficace.
Son sous-titre : 11 raisons de s’y mettre et 15 manières de passer à l’action dès maintenant.

Visuel de la couverture du ebook dans une tablette



Je l’ai voulu simple, illustré d’exemples du quotidien, pratique dans ses applications. Et gratuit.

Gratuit, pas parce que j’estime qu’il ne vaut rien. Mais gratuit parce que je suis convaincue qu’il contient des éléments de réflexions cruciales pour une pratique responsable et citoyenne de la communication. Disons que c’est ma manière de faire de l’éducation populaire, si on veut.

Si vous suivez re·wor·l·ding, c’est que le sujet du langage inclusif vous intéresse. Il est même fort probable que vous en avez déjà une pratique, même si elle est sporadique. Il est aussi probable que vous travaillez dans une entreprise ou organisation où on le pratique, de manière plus ou moins assumée. Ou qu’on ne le pratique pas du tout et que vous aimeriez convaincre de son utilité.

J’ai compilé dans cet ebook les 11 principales raisons d’adopter un langage inclusif, classées par type de métier. Les arguments qui parleront aux personnes de la com et de la pub, ceux qui toucheront les RH ou encore les responsables RSE.

J’ai également listé 15 idées d’actions à mener qui prennent littéralement entre 3 secondes à 6 mois à mettre en œuvre, avec ou sans budget.

J’ai surtout tenté de trouver les manières les plus simples et abordables pour comprendre vraiment ce qu’est le langage inclusif, au-delà de l’écriture inclusive, du point médian, des polémiques qui ne permettent pas d’avancer : sans jargon, avec humour (j’espère) et dessins à l’appui.

Voyez ça comme mon cadeau pour fêter le premier anniversaire de la newsletter re·wor·l·ding.
Il vous plaît ? « Feedback is a gift », comme on dit chez Google, alors j’attends vos commentaires en retour 😉

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Est-ce que ce monde est sérieux ? Le langage inclusif pour les nul·les

Les bénéfices insoupçonnés du langage inclusif pour la marque employeur

Je viens de finir un livre que je vous recommande fortement : Matrix, de Lauren Groff. Outre le fait que c’est un roman historique (qui se passe au Moyen-Âge), écrit par une femme (je le dis parce que certaines personnes n’ont pas apprécié que je rappelle récemment le déséquilibre femmes-hommes dans le lectorat des autrices ; leurs commentaires, c’est cadeau) et que ça parle de sororité puissance mille, c’est aussi un vrai régal pour la passionnée de langage inclusif que je suis.
La plupart des personnages sont des femmes vivant dans un couvent et elles ont chacune des métiers ou fonctions aux noms qui ont caressé mes oreilles : il y a du classique avec abbesse, moniale, officière, et du plus inédit avec confesseresse, témoigneresses (témoin au féminin), prophétesse, enlumineresse, engeigneuresse (ingénieur au féminin). Je dois absolument créditer ici la traductrice Carine Chichereau à qui on doit la version française de ce texte et remercier Lucile qui m’a envoyé cette photo prise sur la façade de Notre-Dame dont le hasard a voulu qu’elle arrive dans mes messages alors même que je refermais ce livre. Bel alignement temporel.

Gtande bâche recouvrant la cathédrale Notre-Dame où on voit un charpentier, une tailleuse de pierre, un échafaudeur, une restauratrice de peinture

Pourquoi on parle de reféminisation des noms de métiers

Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que ce livre a énormément résonné avec une des grandes conventions du langage inclusif : la féminisation des noms de métiers, c’est-à-dire le fait d’utiliser le nom féminin d’un métier, grade ou fonction quand on parle d’une femme.

On devrait même plutôt parler de reféminisation des noms de métiers, à l’instar d’Eliane Viennot, professeuse émérite de littérature, experte de l’histoire de la langue française et autrice du culte Non, le féminin ne l’emporte pas sur le féminin ! Car comme le montre le texte de Lauren Groff en français ou, dans une version moins romancée, le Livre de la taille de Paris datant de 1296 qui répertorie les métiers exercés à l’époque, les métiers des femmes avaient une forme féminine claire : mairesse, curateresse, tuteresse…

Et c’est d’ailleurs par la revendication de ne pas mégenrer le nom des métiers des femmes que l’idée même du langage inclusif s’est développée en France dans les années 80, l’époque dite de « la querelle des noms de métiers », quand des femmes sont devenues ministres et en ont eu marre d’être appelées Madame Le Ministre (lisez à ce sujet Le ministre est enceinte de Bernard Cerquiglini, c’est le livre qui m’a fait tomber dans le vortex du langage inclusif).

Quand on parle de noms de métiers au féminin, la question de la forme choisie peut se poser et j’ai eu plusieurs fois l’occasion d’analyser les ressorts des différentes options :

– pourquoi je privilégie toujours les formes qui s’entendent, comme autrice plutôt qu’auteure et son e muet, donc inaudible
– pourquoi les mots épicènes, qui sont souvent des anciens masculins devenus invariables en genre avec le temps, sont parfois des faux amis de la visibilisation des femmes comme peintre, qui autrefois se disait peintresse au féminin
– pourquoi il reste des résistances à employer des féminins qui sont pourtant naturels comme artisane ou entrepreneuse

Genre des métiers et stéréotypes de genre

Décliner le nom d’un métier en employant le genre grammatical correspondant à l’identité de genre d’une personne est à mon sens une simple question de respect.

Mais le genre donné aux métiers de manière plus générale est aussi une manière d’illustrer très concrètement les stéréotypes de genre : pourquoi, en gros, on parle des policiers et infirmières et pas des policières et infirmiers.

C’est particulièrement important dans le domaine de l’orientation professionnelle et du recrutement. Des expériences scientifiques (dont vous trouverez les sources dans ce livre et cette vidéo, mes deux ressources favorites sur la question) ont démontré que :

– les jeunes filles se projettent moins dans des métiers quand ceux-ci sont décrits au masculin.
– les femmes postulent moins quand des offres sont écrites uniquement au masculin.

C’est pourquoi aujourd’hui, les entreprises qui ont des objectifs de mixité de genre dans leur recrutement utilisent le langage inclusif. J’ai très souvent pris des exemples de campagnes de recrutement pour illustrer des bonnes pratiques en matière de langage inclusif parce que c’est un des endroits où il est concrètement de plus en plus utilisé : transport, restauration, armée, sécurité, automobile…

Là où les femmes sont sous-représentées, les entreprises ont bien compris qu’elles se tiraient une balle dans le pied si elles n’utilisaient pas un langage inclusif dans leurs offres d’emploi.

Post Instagram de re·wor·l·ding sur les 5 manières de déconstruire les stéréotypes de genre dans le recrutement

Féminiser les noms de métiers, une obligation légale

Une des autres raisons qui pousse à l’emploi d’un langage inclusif dans le recrutement est tout simplement la loi : en effet, le Code du travail encadre le contenu et la diffusion des offres d’emploi pour être en accord avec le principe de non-discrimination à l’embauche inscrit dans le droit français.

C’est de là que vient la pratique de mettre H/F (pour homme/femme) dans l’intitulé des offres pour expliciter l’ouverture du poste sans distinction de genre (à quelques exceptions près définies par ce même code du travail, comme pour des rôles d’acteur ou actrice, mannequin, etc.). A ma connaissance, le code du travail ne donne pas de recommandations spécifiques de langage au-delà de l’offre pour le reste du dispositif de recrutement (les éventuelles campagne de publicité, le site web de l’entreprise, etc) mais l’esprit de la loi est néanmoins que rien dans le processus de recrutement ne devrait laisser penser aux potentielles personnes candidates que l’emploi s’adresse à l’un ou l’autre genre.

C’est d’ailleurs pourquoi cette offre « Recherchons vendeuse » pour une boulangerie de mon quartier est illégale : du fait de la valeur spécifique du genre grammatical féminin (quand on dit vendeuse, c’est forcément pour parler d’une femme là où le masculin est censé avoir une valeur dite générique), cette annonce discrimine les hommes qui voudraient postuler.

Petite annonce sur la vitrine d'un magasin où on lit "Recherchons vendeuse"
Messieurs, postulerez-vous ?


A la place, il aurait fallu, à l’image de ces restaurants, employer un langage inclusif en utilisant la double flexion (vendeur / vendeuse), la ponctuation (en remplaçant par « chargé·e de vente » pour un usage raisonné du point médian) ou une reformulation (“Nous recrutons à un poste de vente”, par exemple).

2 affiches inclusives pour deux restaurant pour recruter des "Serveurs / Serveuses" ou un ou une "chef·fe de partie"


Quand j’ai participé au live LinkedIn de Maud Grenier sur le langage inclusif dans le recrutement, nous avons analysé plusieurs offres d’emploi et surtout leur contexte de diffusion : j’en avais tiré 10 enseignements pour les entreprises qui recrutent.

Nous avons notamment parlé de l’insuffisance de ce fameux H/F dans l’intitulé de poste et de la nécessité d’avoir une approche holistique du langage inclusif dans le processus de recrutement, du nom du poste à la description de l’offre, du site web de l’entreprise à la campagne de recrutement en ligne ou dans l’espace public.

Mais l’emploi d’un langage inclusif à bien d’autres avantages pour une entreprise dans son approche des ressources humaines.

Du recrutement à la marque employeur, les bénéfices insoupçonnés du langage inclusif

C’est précisément ce dont je parlerai lors d’un webinar organisé par le cabinet de recrutement spécialisé dans les métiers à impact positif Birdeo le jeudi 13 juin prochain à 11h30 (inscriptions gratuites et ouvertes à toutes et tous ici).

Flyer promotionnel pour le webinar "Marque employeur : le langage inclusif, ce levier auquel vous n'aviez pas encore pensé".

Si employer un langage inclusif dans le recrutement peut paraître évident au vu des arguments cités plus hauts (et c’est loin de l’être pour tout le monde, croyez-moi), ce qui l’est moins sont les avantages collatéraux de cette pratique, si elle est globale (pas simplement sur une offre d’emploi par-ci par-là), cohérente (pas seulement dans les emails des RH mais aussi dans la communication institutionnelle de l’entreprise) et assumée (pas seulement pratiquée en mode incognito par les personnes les plus engagées mais aussi par les membres de la direction, et ça peut commencer par un simple « Bonjour à toutes et à tous » au début d’une réunion d’équipe).

Parmi ces avantages :
aligner ses valeurs d’entreprise avec ses pratiques de communication : en gros, faire ce qu’on dit qu’on doit faire et ne pas sombrer dans le féminisme washing en prônant l’égalité de genre sans jamais visibiliser les femmes dans les mots de l’entreprise.
signaler concrètement son engagement auprès de ses équipes : du fait des freins à lever pour passer à un langage inclusif, mettre tout une organisation en mouvement témoigne d’une vraie volonté de passer à l’action, et ça n’est pas rien.
ouvrir la conversation sur les micro-agressions et renforcer la culture inclusive dans l’entreprise : le langage inclusif n’est pas qu’une question de genre ; parler ouvertement de la manière dont le langage blesse, dont les remarques banalement racistes ou validistes créent un environnement toxique permet de contribuer au bien-être des équipes, et potentiellement de réduire les démissions dont la culture toxique est une des premières causes.

Si on définit la marque employeur (et pourquoi pas “marque employeuse” d’ailleurs, mais passons) comme l’image d’une entreprise auprès de ses employés et des candidats potentiels, (qui) inclut par extension les efforts de marketing et de communication qui visent à l’améliorer et à la communiquer (définition, au masculin, de Wikipedia), on comprend mieux comment un outil aussi accessible, adaptable, impactant et gratuit que le langage inclusif devrait trouver sa place en entreprise.

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Le langage inclusif pour les nul·les Pourquoi dire et ne pas dire

Les mots du handicap, cas d’école du langage inclusif

Hier, je suis allée à Inclusiv’Day, le salon des entreprises engagées pour l’inclusion et les innovations sociales. J’y ai été invitée pour répondre à la question « Comment la communication peut-elle rendre la société plus inclusive ? ». Cela a été l’occasion de rappeler que ma définition du langage inclusif n’est pas centrée uniquement autour de la notion d’égalité de genre (rendre visibles les femmes dans la langue en la démasculinisant) mais qu’elle s’étend à l’attention qu’on porte à tous les mots qui désignent les personnes, a fortiori quand elles font partie de groupes discriminées. Trouver les bons mots pour parler de handicap, c’est aussi ça le langage inclusif.
En me baladant dans les allés du salon, en écoutant les conférences, en observant les stands des associations, entreprises et institutions qui œuvrent au quotidien pour l’inclusion des personnes handicapées, j’ai réalisé que le vocabulaire du handicap offrait une illustration parfaite des 3 principes critiques dans la pratique d’un langage inclusif.

La précision, meilleure alliée de l’inclusion

Dans le champ de la DEI (diversité, équité, inclusion), et surtout dans le monde anglo-saxon, on parle souvent de langage précis (precise language) en complément du langage inclusif. L’idée ici est que la première étape pour choisir des mots qui incluent les personnes discriminées est de choisir des mots qui reflètent précisément la réalité de leur discrimination.

“Par exemple, alors que le terme de “minorité” est toujours utilisé aux Etats-Unis comme une manière de décrire une personne non blanche, beaucoup de personnes ne l’apprécient pas ; et dans certains cas, c’est factuellement faux. En remplaçant “minorité” par un terme plus précis comme “historiquement sous-représenté”, vos mots sont plus justes et empouvoirant (empowering) pour les personnes de votre entreprise qui s’identifient comme en faisant partie.”

“Striving for a more inclusive workplace? Start by examining your language”, Thinkwithgoogle.com

Quand on parle de handicap, la question de la précision est cruciale : parce que le handicap peut être visible ou invisible, parce que le handicap peut être physique ou mental, parce que le handicap peut être plus ou moins lourd, permanent, intermittent ou évolutif, parce que notre connaissance des pathologies qui causent les handicaps évoluent et que la perception sociale des handicaps aussi.
Par exemple, il y a des différences factuelles entre une personne aveugle et une personne malvoyante, entre une personne sourde et malentendante. Dire d’une personne qu’elle est malvoyante plutôt qu’aveugle peut nous donner l’impression (surtout si on est soi-même voyant·e) d’être plus politiquement correct, d’utiliser un langage adouci plus pudique quand en réalité il ne reflète simplement pas la réalité de cette personne.

Comme je le partageais dans ma déconstruction du mot noir, la question n’est pas pour les personnes valides de trouver la formulation qui les fait se sentir plus à l’aise mais de s’éduquer pour apprendre quel est le mot qui décrit le mieux la réalité du handicap dont on parle, au moment où on en parle.

Et les mots évoluent vite : comme pour les identités de genre dont le vocabulaire est très dynamique, les avancées scientifiques et médicales sur les handicaps nous poussent régulièrement à revoir la manière de les nommer : c’est ainsi qu’aujourd’hui on ne parle plus tant d’autisme mais plutôt de troubles du spectre autistique (pour refléter la variété des formes que peut prendre l’autisme).

Je sais que ce n’est pas facile : moi-même qui suis sensibilisée à cette question sans être concernée personnellement, je sais les limites de ma connaissance. Et il est possible que dans les lignes qui précèdent j’ai écrit des mots imprécis. En revanche, je sais que quand je parle de handicap, je dois faire preuve d’une attention supplémentaire (et au fond, c’est ça le langage inclusif, porter une attention particulière aux mots qu’on emploie). Cette attention ne va pas m’empêcher de faire des erreurs mais va me pousser à faire deux choses : m’éduquer sur les handicaps pour choisir les mots les plus précis possibles et mettre en œuvre le deuxième principe critique du langage inclusif, interroger les personnes concernées.

Les mots justes sont ceux des personnes concernées

Dites-vous « personne handicapée » ou « personne en situation de handicap » ? Cette question n’est pas si simple qu’il n’y paraît car il n’y a pas de bonne réponse à y apporter. La meilleure formulation est celle qui conviendra à la personne concernée par le handicap.

Dans le podcast La Série Documentaire : Handicap, la hiérarchie des vies, une femme exprime sa préférence pour l’expression personne handicapée à celle de personne en situation de handicap, car pour elle le handicap est une oppression de la société validiste dans laquelle nous vivons : elle est handicapée par la société qui ne lui est pas accessible et ne fait que peu d’effort pour le devenir, car le fait d’être valide (sans handicap) est perçu comme la norme à laquelle les personnes handicapées doivent s’adapter (je reprends ce paragraphe d’un article que j’ai consacré à l’emploi de la forme passive en langage inclusif).

Il existe une distinction conceptuelle utile pour mieux saisir la complexité de cette question : on distingue le langage centré sur l’identité (identity-first language) et le langage centré sur la personne (person-first language ou people-first language).

Le langage centré sur la personne souligne la personne avant le handicap, par exemple « personne aveugle » ou « personnes avec des lésions de la moelle épinière ». Le langage centré sur l’identité place le handicap en premier dans la description, par exemple « handicapé » ou « autiste ». Le langage centré sur l’identité et le langage centré sur la personne sont aussi acceptables l’un que l’autre et dépendent des préférences personnelles des personnes concernées.

Site de EARN, The Employer Assistance and Resource Network on Disability Inclusion

Dans le langage centré sur la personne, le handicap va être une dimension supplémentaire de son identité, quelque chose qui s’ajoute à ce que la personne est déjà (on dit d’ailleurs beaucoup plus souvent dans les entreprises états-uniennes comme Google people with a disability, personne avec un handicap, que disabled people, personne handicapée). Cela se traduit aussi en français par l’utilisation de la combinaison « personne + adjectif » (comme « les personne aveugles ») préférée à l’adjectif substantivé (utilisé comme nom) comme « les aveugles ».

Ce qui est important ici c’est que le choix du mot dépend entièrement de la manière dont la personne vit et définit son handicap. Et comme cela relève de l’expérience individuelle, la seule manière de savoir pour une personne donnée le bon mot à utiliser est de lui poser la question.
Mon expérience m’a démontré qu’il est beaucoup moins pénible pour la personne concernée par le handicap comme la personne valide de poser de manière sincère et factuelle la question (comme pour les pronoms dans le cas de l’identité de genre) que de tourner autour du pot, faire des erreurs, se sentir mal à l’aise. Par exemple, vous pouvez demander : « J’aimerais utiliser le terme le plus approprié pour toi quand il s’agit de ton handicap : comment préfères-tu que j’en parle ? »
Peut-être ressentirez-vous de la gêne, mais vous démontrerez aussi du care (dans le sens d’attention) et il y a fort à parier que la personne en face de vous appréciera votre intérêt sincère et votre désir de bien faire plus qu’elle ne trouvera votre question intrusive (malheureusement, elle a certainement l’habitude des questions qui le sont avec moins de bienveillance).

Rendre visibles les femmes, toujours

A titre personnel, l’expression que j’ai décidée d’employer est celle de personne handicapée car c’est celle que je vois employée par les militant·es que je suis sur les réseaux sociaux, qu’elle me semble précise et aussi qu’elle est inclusive en genre. Le mot « personne » peut désigner aussi bien un homme qu’une femme ou une personne non-binaire.

Or, dans les allées du salon ou dans les discours que j’ai entendus lors des conférences, le handicap se dit encore trop souvent au masculin. Comme dans le reste de la société, le masculin dit générique est employé partout, ce n’est pas une surprise. Mais ce qui est dommage est que des personnes engagées sincèrement sur la question de l’inclusion ne prêtent pas attention à représenter dans le choix de leurs mots toutes les personnes handicapées, quel que soit leur genre. Cela prouve encore une fois que le genre des mots est un impensé de la communication, même aux endroits les plus sensibilisés à la question de l’inclusion.

J’ai pris quelques photos qui le démontrent : dans le champ du handicap comme ailleurs, les travers d’un langage non inclusif se retrouvent. Sur ces exemples, on voit bien à l’œuvre le masculin dit générique qui fait parler des « travailleurs handicapés », pas des travailleuses, des « aidants » et pas des aidantes (qui sont pourtant en grande majorité des femmes), ou la dissonance linguistique entre un texte qui promeut « une société ouverte à tous » tout en mettant en avant l’image d’une femme.

Photo prise sur le salon Inclusiv'Day où on voit 3 affiches d'associations écrites au masculin dit générique : travailleurs handicapés, café des aidants, société ouverte à tous.


J’ai une approche féministe intersectionnelle c’est-à-dire qui reconnait que les discriminations se cumulent et qu’il faut toutes les combattre. Être une femme handicapée, c’est cumuler la discrimination validiste et la discrimination sexiste.

En novembre 2022 est parue une étude de l’IFOP pour L’adapt : « Être une femme en situation de handicap, la double peine ? ». Les résultats sont sans appel et démontrent qu’on aurait pu se passer du point d’interrogation dans le titre.

Plus de charge mentale liée au travail domestique, plus de précarité économique, plus d’agressions sexuelles que les hommes bien sûr mais aussi que les femmes non handicapées. Pour contribuer à rendre visible ces discriminations, il faut dire le handicap au masculin et au féminin.

Je ne jette pas la pierre à ces associations et organisations qui pour la plupart font un travail remarquable et nécessaire pour l’inclusion des personnes handicapées.

Elles sont attentives aux mots qu’elles emploient pour parler de handicap, elles peuvent donc cultiver leur esprit critique sur le genre des mots qu’elles emploient pour parler des personnes qu’elles accompagnent, des personnes qui composent leur organisation, des personnes qui en ont le plus besoin.

Il faut que le monde du handicap s’y attèle pour éviter de rendre encore plus invisibles les femmes qu’on compte parmi les 13 millions de personnes qui en France vivent et travaillent avec un handicap, qu’il soit visible ou non, déclaré ou non, permanent ou non.

Photo d'un écran annonçant une conférence intitulée : Les invisibles : qui sont ces 13 millions de travailleurs ?"

Vous pouvez écouter mon intervention au salon Inclusiv’Day sur le site de l’évènement.

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Est-ce que ce monde est sérieux ? Le langage inclusif pour les nul·les

Masculin générique ou spécifique : le mystère de la pub Monoprix

Il y a quelques jours, une PLV (publicité sur le lieu de vente) a été photographiée dans un magasin Monoprix et épinglée par Pépite sexiste, association de sensibilisation aux stéréotypes diffusés par le marketing. Située dans le rayon des protections périodiques, cette affiche indique aux personnes trop gênées pour acheter ces produits en magasin de passer par le site internet de Monoprix pour plus de discrétion. Cette affiche (retirée depuis) est avant tout problématique parce qu’elle contribue à renforcer le tabou autour des règles qui ne devraient en aucun cas susciter la gêne ou la honte, mais elle est aussi très intéressante parce qu’elle contient un mystère : à qui s’adresse Monoprix ?

Publicité pour le service de vente en ligne de Monoprix, au rayon des protections périodiques.

A qui parle Monoprix ?

Les commentaires sous le post de Pépite Sexiste sont très clairs sur une chose : cette affiche n’est pas claire du tout.

Après l’avoir postée sur Facebook et Twitter on a eu plusieurs types de commentaires : certaines personnes pensent que l’affiche concerne les produits pour fuites urinaires, d’autres qu’elle est à destination des maris/petits copains qui vont acheter des serviettes pour leur partenaire…

Vous en pensez quoi ?

Pépite Sexiste sur Instagram

Ce qui m’intéresse dans cette affiche, c’est l’utilisation du masculin dans la phrase « Trop gêné ? » : s’adresse-t-on aux hommes qui achètent des protections périodiques (pour eux-mêmes dans le cas d’hommes trans ou pour une femme de leur entourage) ? Emploie-t-on le masculin qui « l’emporte(rait) sur le féminin » comme la règle largement répandue dans la langue française l’exige(rait) ? A-t-on simplement fait une erreur en employant le masculin au lieu du féminin car on sait que l’écrasante majorité des personnes qui en achètent sont des consommatrices ?

Toutes ces hypothèses ont été soulevées dans les commentaires et je n’ai pas pour ambition de trancher car je ne sais pas quelle était l’intention de la personne qui a rédigé cette annonce. Justement, ce qui m’intéresse, c’est l’ambiguïté même de cette phrase qui est une parfaite illustration de ce que le langage inclusif cherche à changer : l’emploi systématique du masculin dit générique ou neutre dans la langue.

Masculin générique ou spécifique ?

Vous avez certainement déjà entendu cette règle de la grammaire française, « le masculin l’emporte sur le féminin » qui justifierait que lorsqu’on parle d’un groupe mixte, composé d’hommes et de femmes, on devrait choisir le genre grammatical masculin pour désigner tout le monde (règle qui a été imposée par l’Académie Française et les grammairiens du 17e siècle et a contribué à masculiniser la langue française qui était beaucoup plus égalitaire auparavant, mais je vous renvoie aux travaux de la géniale Eliane Viennot pour une perspective historique sur ce sujet dont elle est l’experte incontournable).

C’est pourquoi en français lorsqu’on parle d’un groupe de garçons et filles qui étudient on peut dire « les étudiants » pour théoriquement représenter tout le monde. C’est ce qu’on appelle l’emploie d’un masculin dit générique qui a vocation à être neutre.
L’emploi du genre grammatical masculin peut donc être à la fois générique (représenter tout le monde, tous les genres) ou spécifique (quand il désigne une personne identifiée comme un homme). Par exemple, si je dis : « Le directeur a pris la parole », l’emploi du singulier dans ce contexte me laisse penser que le directeur est un homme, on est donc dans un emploi spécifique du masculin.
A contrario, le genre grammatical féminin, lui, est toujours spécifique : si je dis « les étudiantes » ou « les musiciennes », je sais que je parle forcément d’un groupe uniquement composé de femmes (sauf chez Typhaine D qui pratique, dans une démarche artistique et militante, la féminine universelle et dont je vous recommande le Tedx « Elle était une fois, une langue émancipéé »).

Si l’on revient à notre affiche Monoprix, la question est donc de savoir si on utilise ici un masculin générique (pour parler de toutes les personnes susceptibles d’acheter des protections périodiques) ou spécifique (pour les hommes seulement) ? A lire cette affiche, il n’y a strictement aucun moyen de savoir à qui on parle. En quoi est-ce à la fois révélateur et problématique ?

Le masculin pose un problème d’interprétation

Premier problème : quand notre cerveau lit ou entend un masculin, il ne sait pas gérer l’ambiguïté d’interprétation que je viens d’énoncer (s’agit-il d’un générique pour parler d’un groupe mixte ou d’un spécifique pour parler d’un groupe d’hommes) et va la plupart du temps associer le masculin comme genre grammatical au masculin comme identité de genre. En gros, quand je lis « les étudiants », même si j’ai appris à l’école que ce masculin peut aussi représenter des femmes, mon cerveau va avoir tendance à se représenter plutôt des hommes, à penser spécifique plutôt que générique.
C’est ce qu’ont montré 40 ans d’expérimentations et d’études dans le champ de la psycholinguistique, résumées dans le livre « Le cerveau pense-t-il au masculin ? » de Pascal Gygax, Ute Gabriel et Sandrine Zufferey (vous pouvez écouter le résumé par Pascal Gygax dans cette table-ronde que j’ai animée « Démystifier le langage inclusif : 1h pour comprendre et se faire un avis », à la 20e minute).
La pseudo neutralité du masculin n’existe donc pas réellement pour notre cerveau qui associe le masculin dans la langue aux hommes. Dans la pub Monoprix, je vois un masculin et moi, en tant que femme, je ne me sens pas concernée.

Deuxième problème : le masculin n’est pas précis car il laisse possible l’interprétation de son sens.
Prenons un autre exemple : « Le directeur s’est adressé aux étudiants sur un ton amical ». Ici, « le directeur » est un masculin spécifique mais qu’en est-il des « étudiants » ? Dans cette phrase, il n’y aucun moyen de savoir si on parle en réalité d’un groupe composé de garçons uniquement (spécifique) ou d’un groupe mixte (générique). Et ceci est très problématique lorsqu’on veut se faire comprendre, et a fortiori dans le champ publicitaire où on veut faire passer des messages explicites auprès de sa cible : ici, la cible est floue et imprécise. Dans la pub Monoprix, je vois un masculin et moi, en tant que femme, je ne sais pas si on s’adresse à moi ou pas.

Le langage inclusif, c’est aussi lever l’ambiguïté d’un masculin pseudo neutre

Je ne vais pas proposer de réécritures inclusives de cette affiche car à mon sens, elle ne devrait pas exister #ChangeonsLesRègles.
Mais je trouve que la décrypter est intéressant parce que cela permet de placer le langage inclusif, qui a pour objectif de représenter toutes les personnes quel que soit leur genre dans la langue, sur un autre terrain : pas uniquement celui de l’égalité de genre, mais aussi celui de la précision et de la clarté du langage. Parler de manière inclusive, en pratiquant les 3 grandes conventions que sont notamment la féminisation des noms de métiers et le refus de l’emploi du masculin générique (au profit des mots épicènes, englobants, de l’énumération masculin/féminin ou du point médian), c’est aussi s’assurer qu’on s’exprime de manière précise, claire et sans ambiguïté.
Et dans les métiers de la communication, qu’elle soit commerciale ou politique, c’est un langage clair qu’on cherche à pratiquer. Les outils du langage inclusif sont donc indispensables aujourd’hui à quiconque cherche à se faire bien comprendre à une époque où le masculin ne peut plus se faire passer pour neutre.

Pour aller plus loin, je vous recommande l’écoute de cet épisode du podcast Ecrire sans exclure d’Isabelle Meurville, Stratégies inclusives et langage clair.


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Le langage inclusif pour les nul·les

On fait le point sur le point médian

Un des outils pour écrire de manière inclusive est l’utilisation du point médian, c’est-à-dire ce signe de ponctuation · qui permet de contracter ou abréger en un seul mot ses formes masculine et féminine comme dans « étudiant·es » ou « chirurgien·ne ».
Dans le débat actuel sur l’écriture inclusive, c’est lui qui cristallise toutes les tensions (comme démontré par l’étude Mots-Clés et Google sur la perception de l’écriture inclusive par les internautes en France), au point que la détestation du point médian en vient à rendre impossible un débat nuancé et bienveillant sur le langage inclusif dans son ensemble. Accusé d’être moche, de rendre illisible les mots, d’être une aberration, il n’est pourtant qu’un outil parmi d’autres. Faisons le point sur ce fameux point médian, aussi parfois appelé point milieu.

L’écriture inclusive peut très bien se passer du point médian

Je le repète, le point médian est UN outil parmi d’autres dans la boîte à outils de celles et ceux qui veulent s’exprimer de manière inclusive. Des livres de plusieurs centaines de pages sont entièrement écrits de manière inclusive sans jamais l’utiliser et il en va de même pour cet article.

Dans Les 3 règles très simples du langage inclusif, vous retrouverez les autres outils disponibles parmi lesquels l’énumération (écrire « les étudiants et les étudiantes » en entier, sans abréger) qui marche dans 100% des cas (même si c’est plus long) ou les termes englobants ou épicènes (comme « le corps enseignant » ou « les élèves ») non marqués en genre.

Il n’y a strictement aucune obligation d’avoir recours au point médian. Jamais. On peut donc très bien être contre son utilisation sans être contre toute l’écriture inclusive en bloc.

Rejeter toute l’écriture inclusive seulement à cause du point médian, c’est comme refuser d’entrer dans un restaurant parce qu’il y a un seul plat à la carte qui ne nous plaît pas.


Attention donc aux arguments qui instrumentalisent le point médian pour disqualifier toute l’écriture inclusive, en mettant par exemple en avant son illisibilité par les personnes dyslexiques. Sur ce sujet, on manque de données scientifiques sur cet impact et la dyslexie peut prendre de nombreuses formes différentes, certaines sensibles à la ponctuation d’autres non. Ce qui est certain, c’est que si l’on n’utilise pas le point médian mais qu’on utilise les autres outils à notre disposition, on peut très bien écrire de manière inclusive et accessible.

A l’oral, le point médian disparaît

Une des critiques faite au point médian est la difficulté de l’oraliser, c’est-à-dire le dire à l’oral.
Il faut bien avoir en tête que le point médian est un signe qui permet d’abréger deux mots en un à l’écrit et qu’à l’oral il ne se prononce pas.
De la même manière que vous oralisez M. en Monsieur et Mme en Madame, vous direz à l’oral « étudiant·es » en « étudiantes et étudiants » ou « étudiants et étudiantes » dans l’ordre de mention que vous préférez. En d’autres termes, à l’oral, le point médian ne se lit pas, tout simplement, mais à l’écrit il est pratique pour gagner du temps ou de l’espace.

On recommande un usage raisonné du point médian

Dans les conventions du langage inclusif que je pratique, je pratique un usage dit raisonné du point médian, c’est-à-dire que je ne l’utilise que lorsque les mots au masculin et au féminin sont proches (un ou deux lettres de différence) comme dans avocat·e, commandant·e ou infirmier·e.
Ici, le point médian ne perturbe que très peu la lecture du mot. De même, je ne mets qu’un seul point médian quand le mot est au pluriel comme dans chef·fes (que je n’écris pas chef·fe·s)
En revanche, je l’évite pour le moment quand les mots sont plus éloignés (je n’écris pas « sportif·ve » ou « consommateur·ice) et je n’utilise pas de néologisme de type auditeurice ou lecteurice. A la place, je dis « auditrices et auditeurs » ou je parle du lectorat.

Mais au fait, pourquoi le point médian ?

On choisit plutôt le point médian que le point final, la parenthèse ou le slash car le point médian est dépourvu de toute autre signification symbolique.
Quand on met le e entre parenthèses, cela revient symboliquement à mettre les femmes entre parenthèses. Le point médian ne signifie rien, il est neutre.

En conclusion, il est important de considérer le point médian pour ce qu’il est : un outil parmi d’autres, bien pratique mais jamais indispensable. Ne laissons pas un petit point nous éloigner de l’objectif principal du langage inclusif : représenter justement les femmes et les hommes dans la langue.

Pour aller plus loin, vous pouvez revenir aux 3 règles très simples du langage inclusif ou dépasser la dimension très binaire homme/femme en réfléchissant à l’invention de nouveaux mots plus inclusifs.

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Le langage inclusif pour les nul·les Pourquoi dire et ne pas dire

Pourquoi je dis : langage inclusif

Il y a un peu plus d’un an, quand j’ai lancé re·wor·l·ding, j’ai défini ma mission ainsi : « encourager chacun·e à cultiver un regard critique sur les mots et à utiliser un langage précis et inclusif ». Dès le départ, j’ai utilisé le terme « langage inclusif » plutôt que le plus courant « écriture inclusive », notamment inspirée par l’experte incontestée Eliane Viennot dont je venais de lire « Le Langage inclusif : pourquoi, comment » (un incontournable pour qui veux comprendre les enjeux historiques et pratiques du langage inclusif en une centaine de pages). Depuis, au fil de mes lectures et rencontres, je suis tombée sur d’autres formulations comme rédaction épicène, langage démasculinisé, français inclusif ou encore écriture non-sexiste ou égalitaire. Pendant plusieurs mois, je me suis d’ailleurs interrogée : es-ce que « langage inclusif » était vraiment l’expression la plus appropriée ? Aujourd’hui, je suis convaincue que c’est celle qui me correspond le mieux et voilà pourquoi.

L’écriture inclusive, populaire mais limitante

Aujourd’hui, en France, il n’y a pas photo : l’expression qui est la plus communément adoptée est « écriture inclusive ». C’est elle qui fait régulièrement la une des journaux et c’est elle qui écrase toutes les autres formulations dans les recherches des internautes, comme on le voit dans ce graphique issu de Google Trends. Si l’expression « langage inclusif » émerge, elle reste 36 fois moins recherchée que « écriture inclusive » en France ces 12 derniers mois.


Néanmoins, le fait d’utiliser l’expression « écriture inclusive » pose deux problèmes, l’un sémantique l’autre politique.
Du point de vue du sens, parler d’écriture inclusive est très restrictif car cela implique une attention sur l’écrit uniquement. Dans l’ouvrage sus-mentionné, Eliane Viennot écrit :

Toutes les techniques et recommandations énumérées jusqu’ici [dire les métiers au féminin, ne pas utiliser le mot Homme dans un sens englobant ou utiliser l’énumération du masculin et du féminin, ndlr] sont valables pour l’oral comme pour l’écrit. Elles constituent l’essentiel du langage inclusif. Quelques autres sont propres à l’écriture, qui suppose un temps de réflexion plus long, et donc la mise en oeuvre de moyens adaptés à ce qu’on veut dire, mais aussi qui fatigue la main (les mains, à l’ordinateur), et donc donne envie de raccourcir les énoncés quand c’est possible.

Eliane Viennot, Le langage inclusif : pourquoi, comment

Eliane Viennot introduit alors les techniques comme le point médian et les néologismes, c’est-à-dire les manières d’abréger à l’écrit des mots que l’on pourrait développer à l’oral. Raphaël Haddad et Chloé Sebagh, dans la postface de ce même ouvrage, décrivent l’écriture inclusive comme un « levier d’acquisition du langage inclusif », c’est-à-dire un moyen pour les personnes d’acquérir des réflexes inclusifs à l’écrit qui influenceront ensuite leur pratique orale. Je comprends cette approche et j’ai moi-même entendu des personnes évoquer la plus grande facilité de s’exprimer en inclusif à l’écrit qu’à l’oral. Néanmoins je crois en une approche holistique qui permette à chacun·e d’avoir une expression inclusive à l’écrit comme à l’oral sans installer l’idée de progression de l’un à l’autre, et j’encourage pour se lancer une pratique plastique, c’est-à-dire qui s’adapte au contexte plus qu’au support. Mon analyse des freins à la pratique du langage inclusif m’a permis de réaliser que le contexte est souvent bien plus bloquant que les compétences (le problème n’est pas tant de savoir comment écrire ou parler en inclusif mais comment ce que je dis ou écris va être reçu par mon entourage). Or dans un sens, l’oral est encore plus un safe space (espace sûr) que l’écrit pour la pratique du langage inclusif car ce qui crispe les gens et peut susciter des réflexions désagréables, c’est avant tout le point médian, domaine réservé à l’écrit inclusif. En gros, à l’oral, on ne remarque pas nécessairement qu’une personne s’exprime en inclusif comme je l’ai très rapidement expérimenté moi-même.

C’est pourquoi, au-delà du problème sémantique autour de l’expression « écriture inclusive », je vois aussi un problème politique du fait de l’association quasi systématique dans l’opinion publique de l’écriture inclusive au point médian (qui n’en est, je le rappelle, qu’un seul des outils). Dans une étude (que j’ai co-dirigée) menée début 2022 par Mots-Clés et Google , 2500 personnes ont été sondées pour évaluer le niveau d’adhésion et de compréhension de l’écriture inclusive. Les chiffres ont clairement montré que si la majorité (58%) des internautes est défavorable à l’écriture inclusive, c’est en réalité le point médian et les néologismes qui sont rejetés (61% et 79% de défavorables), pas les autres conventions comme les termes englobants ou le féminin des noms de métiers (56% et 65% de favorables).

Les données montrent que certaines méthodes de l’écriture inclusive sont rejetées, mais que le principe d’utiliser des alternatives au masculin dit générique est approuvé.

Langage inclusif en France : observatoire de l’opinion et des interrogations, Thinkwithgoogle.fr

Au final, même si l’expression « écriture inclusive » est la plus répandue, elle offre une vision restrictive du champ des possibles pour s’exprimer de manière inclusive et contribue à se focaliser sur un des aspects les plus polémiques, le point médian, ne permettant pas de faire avancer sereinement le débat et donc la pratique.

Langage épicène ou dégenré : la neutralité fait-elle progresser l’égalité ?

A côté de l’écriture inclusive, un certain nombre d’expressions se construisent autour de l’idée de rendre la langue neutre : langage épicène, langage dégenré ou en anglais « gender neutral language ». Si dans le principe, l’idée de rendre le langage neutre est séduisante pour gommer les inégalités de genre et inclure réellement toutes les personnes, au-delà de la binarité de genre homme-femme (et c’est le sens des travaux d’Alpheratz sur le français inclusif qui sont passionnants), dans la pratique, la polémique suscitée par la simple introduction du néopronom iel dans la version en ligne du Dictionnaire le Robert laisse présager que ce n’est pas demain la veille qu’on va pouvoir avancer sereinement dans cette direction.
Aussi, dans l’état actuel des choses et considérant les stéréotypes de genre bien ancrés dans nos sociétés patriarcales, les mots épicènes sont pour moi un faux-ami de l’inclusion par le langage. Je l’ai montré récemment avec l’exemple des noms d’expositions consacrées à des femmes :

Mais comment rendre visibles les femmes dans le monde de l’art quand le mot « artiste » lui-même est en français moderne un mot épicène, c’est-à-dire qu’il « peut être employé au masculin et au féminin sans variation de forme » comme libraire ou élève qui désignent n’importe qui quel que soit son genre ? (…)

Les termes épicènes et englobants qui neutralisent dans une formulation non genrée cachent les femmes dans un ensemble là où, notamment dans les métiers où elles sont particulièrement sous-représentées, on voudrait rendre visible leur présence. (…)

Dans les cas où le mot qui convient est épicène, comme artiste ou photographe, l’explicitation du féminin est indispensable : en ajoutant le mot femme, donc, ou en jouant sur les déterminants pour faire exister le féminin (avec « un ou une » ou un·e à l’écrit). (…)

Quand le féminin peut se distinguer du masculin, je préfèrerai cette option car le féminin explicite sera toujours pour moi le meilleure gage de la visibilisation des femmes.

Par extension qualifier d’épicène un langage qui vise « à éviter toute discrimination sexiste par le langage ou l’écriture » (source wikipédia) ne me semble pas pertinent. Et toutes les expressions qui sous-tendent l’idée de neutraliser la langue pour gommer les stéréotypes passent à côté de la réalité de l’état des inégalités aujourd’hui : il ne s’agit pas simplement de représenter de manière égale les hommes et les femmes avec un neutre englobant mais de rendre encore plus visibles les femmes là où elle ne le sont pas en insistant sur leur présence (réelle ou potentielle) dans certains métiers par des formulations volontairement visibilisantes (pardonnez-moi la répétition), comme artistes femmes.

Inclusive, égalitaire, non sexiste : de la description à l’action

En ce sens, je ne parle pas non plus de langage égalitaire car même si je reconnais bien volontiers que le langage est un instrument au service de l’égalité de genre, ma tendance personnelle à toujours favoriser les formulations qui rendent visibles les femmes plutôt que les expressions neutres correspond plutôt à une volonté d’équité que d’égalité.

Ainsi, l’équité est la vertu qui permet d’appliquer la généralité de la loi à la singularité des situations concrètes et qui vise à instaurer une égalité de droit, en tenant compte des inégalités de fait.

Wikipedia

En tenant compte des inégalités de fait de la société et du langage, je choisis des formulations volontairement plus visibilisantes pour les femmes pour in fine instaurer l’égalité.

Cette idée d’être dans l’action positive est aussi au coeur de mon choix du mot inclusif qui, je le sais, peut également déplaire, comme l’explique Noémie Grunenwald dans son excellent livre Sur les bouts de la langue. Traduire en féminist/e :

Je n’aime pas dire écriture inclusive. Je préfère parler d’écriture dégenrée, démasculinisée ou féminisée. Le principe d’inclusion sous-entend qu’il existerait quelque part un propriétaire légitime de la langue qui, dans sa grande générosité, voudrait bien faire l’effort d’y intégrer les femmes en leur attribuant une petite place sur le côté. La réalité est tout autre : les femmes ont été exclues de la langue. Il s’agit donc plutôt de redresser un tort en démasculinisant une langue qui, en l’état, n’est pas du tout neutre.

Je ne crois pas non plus qu’il existe de grand propriétaire de la langue, car comme le rappellent Maria Candea et Laélia Veron, Le français est à nous ! et il n’est pas de loi de la langue décidée par l’Académie Française ou une quelconque institution qui soit plus forte que l’usage (en gros, ce sont les gens qui font la langue). En revanche, si j’ai appris quelque chose depuis ces quelques mois où je m’éduque et forme les autres au langage inclusif, c’est que quelque que soit le nom qu’on lui dit donne, il requiert de faire des efforts pour le mettre en pratique. Il requiert de passer à l’action pour sortir du mode automatique dans lequel l’enseignement du français depuis l’école nous a mis en imposant ce « masculin qui l’emporte(rait) sur le féminin ». Et les freins sont forts au premiers rang desquels la peur (de se tromper, de passer pour un·e militant·e dans un contexte professionnel, de déclencher des débats sans en maîtriser les arguments…), émotion puissante et paralysante.

Ne pas pratiquer le langage inclusif, même quand on est convaincu·e de son utilité, va bien plus loin que de simplement « ne pas connaître les règles à appliquer » : c’est une parcours de déconstruction et reconstruction qui demande engagement, confiance et entraînement.

Ici on est dans l’action, or l’inclusion c’est bien, comme la définit Le Robert, « l’action d’inclure ». Parler de langage inclusif, c’est donc pour moi avant tout parler d’un outil très concret que l’on met activement au service de l’égalité de genre et qui sert également les politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) des entreprises et des institutions. D’ailleurs, dans mon entreprise, quand je parle des sujets DEI, je cite souvent cette phrase (dont j’ai du mal à trouver l’origine) : « diversity is a fact, inclusion is a act » (ou la variante « diversity is a fact, inclusion is a choice »). En gros, l’idée est que la diversité est un fait (il y a plus ou moins de diversité dans un groupe de personnes) mais que l’inclusion est une action, un choix. Un choix qui ne s’impose pas à toutes et à tous comme une évidence mais qui nécessite de faire des efforts substantiels pour se mettre en mouvement.

Enfin, inspirée par la conception anglo-saxonne du « inclusive language », je ne considère pas le langage inclusif uniquement comme une question de représentation des genres, mais comme un outil pour supprimer toutes les discriminations : sexistes, donc, mais aussi homophobes, transphobes, grossophobes, racistes, validistes… Et il ne s’agit pas d’adopter un langage non sexiste (ce qui est vrai mais formulé d’une manière négative peu engageante) mais activement féministe, anti-raciste, anti-validiste…
C’est pourquoi je m’interroge aussi sur des mots comme noir·e, normal·e ou transsexuel·le : je les déconstruis pour savoir précisément tous les sens qu’ils portent afin de choisir en conscience lesquels j’emploie. D’ailleurs, je parle de langage inclusif et précis, encore une fois en référence à un concept anglo-saxon que j’ai découvert dans mon entreprise, « precise language », et qui, dans le contexte d’une langue anglaise naturellement moins genrée que le français, insiste sur la précision du vocabulaire, sur l’évolution du langage et la nécessité de repenser régulièrement les termes que l’on emploie au prisme des évolutions sociétales qui s’y reflètent.

« Par exemple, alors que le terme de « minorité » est toujours utilisé aux Etats-Unis comme une manière de décrire une personne non blanche, beaucoup de personnes ne l’apprécient pas ; et dans certains cas, c’est factuellement faux. En remplaçant « minorité » par un terme plus précis comme « historiquement sous-représenté », vos mots sont plus justes et empouvoirant (empowering) pour les personnes de votre entreprise qui s’identifient comme en faisant partie. »

« Striving for a more inclusive workplace? Start by examining your language », Thinkwithgoogle.com

Dans une perspective états-unienne, le langage inclusif à la française, focalisé sur le genre, est une composante du langage précis qui s’attaque à toutes les discriminations. Je ne choisis pas et je prends les deux.

Choisir de parler de langage inclusif aujourd’hui, c’est à la fois la volonté de me placer dans un champ des possibles qui va au-delà de l’écriture, sortir d’une expression polémique qui ne permet pas un débat sain, me placer dans la perspective de l’action, de l’effort concret vers l’inclusion, en rendant volontairement les femmes plus visibles et en prêtant une attention particulière à la précision de mon vocabulaire pour lutter contre toutes les formes de discriminations.

Dernière précision : j’utilise l’outil langage inclusif au service du processus de communication, et je m’intéresse à la communication inclusive (ou non) des entreprises et des institutions, c’est-à-dire aux messages rendus publics par ces organisations et qui sont aussi potentiellement vecteurs de discriminations, comme la publicité. La communication inclusive est pour moi une extension du langage inclusif, mais le langage inclusif reste la base sans laquelle la communication ne le sera jamais.

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Le langage inclusif pour les nul·les

Femmes artistes, artistes femmes : les mots épicènes, faux amis du langage inclusif ?

Un des 3 grands freins à la pratique d’un langage inclusif est son absence dans le contenu audio-visuel que nous consommons, et par extension le monde du divertissement et de la culture (éditionsériescinéma…). Je suis convaincue qu’il est crucial d’être exposé·e à un parler inclusif dans les séries ou les films et de voir des titres de livres ou de podcasts écrits en inclusif non seulement pour rendre visibles les femmes dans le monde par le langage mais aussi pour créer des effets de mimétisme et banaliser le langage inclusif qui pour de nombreuses personnes est assimilé à une pratique trop militante et donc clivante (pour le coup, le frein majeur à sa pratique).

Récemment, j’ai porté mon attention sur un type de manifestations culturelles particulièrement signifiantes, les expositions dans les musées et les galeries, et tout particulièrement la manière dont ont été nommées certaines d’entre elles.

Les expositions, opportunités en or pour rendre visibles les femmes

« Faut-il (encore) des expositions 100% « artistes femmes » ? » Telle est la question que 3 journalistes (femmes) du Quotidien de l’art posait en juin 2021, alors que Paris accueillait les expositions « Peintres femmes 1780-1830, naissance d’un combat » au Musée du Luxembourg, « Elles font l’abstraction » au Centre Pompidou ou encore « Be AWARE. A History of Women Artists » à la BNF.

Et puis pourquoi scinder les histoires, parler d’« artistes femmes » – a-t-on jamais parlé « d’artistes hommes » ? – quand beaucoup de ces artistes se positionnent au-delà des questions de genre ? Ces expositions collectives d’« artistes femmes » sont paradoxales : « Très souvent, on les expose pour dire qu’avant tout elles sont des artistes, observe Justine Bohbote. On veut effacer le genre alors même qu’il est le critère de sélection de l’exposition. » (…) «« Artistes femmes », c’est un pis-aller du langage correspondant à ce moment de relecture », nuance Christine Macel, commissaire de la remarquable exposition « Elles font l’abstraction ». Pour elle, il n’y a d’autre choix que de « révéler le processus d’invisibilisation des femmes en raison de la domination masculine ». Et de mettre au défi les visiteurs (sic) de reconnaître à l’entrée les portraits des quelque 110 femmes présentées. La conservatrice a su éviter l’écueil du féminin et de l’essentialisme tout en se gardant du catalogage. « Aligner des noms de femmes, ce n’est pas efficace, elles disparaissent à nouveau si on ne les identifie pas clairement, si on ne leur donne pas une place dans un récit, si on ne met pas en évidence les tournants qui ont marqué cette histoire », poursuit-elle.

« Faut-il (encore) des expositions 100% « artistes femmes » ? », Le Quotidien de l’art

Comme Titiou Lecoq l’explique dans Les Grandes oubliées – Pourquoi l’Histoire a effacé les femmes, le problème n’est pas tant qu’il n’y avait pas de femmes artistes (ou cheffes ou autrices ou chevaleresses) mais qu’elles ont été effacées des livres d’histoire. Les expositions, et notamment celles organisées par les institutions mastodontes du monde de l’art, comme Le Centre Pompidou en France, sont des catalyseurs d’histoire qui permettent de rendre visibles des femmes du passé et du présent en leur donnant, comme le dit Christine Marcel citée ci-dessus, « une place dans un récit ». A titre personnel, l’exposition sur Elisabeth Vigée Le Brun au Grand Palais en 2015 a été un moment de révélation non seulement sur cette artiste mais de manière générale sur la place des femmes dans le monde de la peinture de l’époque. L’importante médiatisation de cette exposition et donc de celle à qui elle était consacrée à travers des livres, magazines, documentaires, podcasts… a eu un effet durable sur la connaissance de cette artiste : un avant/après qui est visible dans les recherches faites sur Internet. Google Trends montre que plusieurs années après l’exposition le volume de recherches en ligne sur Elisabeth Vigée Le Brun se maintient à un niveau supérieur à celui d’avant l’exposition. L’effet de la visibilisation est pérenne.

Mais comment rendre visibles les femmes dans le monde de l’art quand le mot « artiste » lui-même est en français moderne un mot épicène, c’est-à-dire qu’il « peut être employé au masculin et au féminin sans variation de forme » comme libraire ou élève qui désignent n’importe qui quel que soit son genre ?
Je trouve cette question intéressante car, à travers quelques exemples récents, elle permet plus largement de poser la question des stratégies que l’on peut mettre en oeuvre pour s’assurer non seulement de décrire correctement le contenu de l’exposition mais aussi de rendre visibles les femmes dès son titre (et donc son affiche), des éléments visibles dans l’espace public par tout le monde, que l’on aille ou pas voir l’expo en question. Elle pose ainsi une alternative cruciale et déterminante en matière de langage inclusif : neutraliser par des formulations non genrées ou visibiliser par un féminin explicite ?

Femmes artistes ou artistes femmes ?

L’option la plus évidente est celle d’ajouter le mot femme au mot épicène comme « Peintres femmes » ou « Femmes photographes de guerre ».

Trois choses à noter ici : l’ordre de mention n’est pas le même dans ces deux exemples, le mot « femmes » étant placé tantôt avant tantôt après le mot « peintres » ou « photographes ». En théorie, l’ordre de mention a son importance car des études de psycholinguistique ont montré qu’on a tendance à dire en premier le mot qu’on considère le plus important. Je ne vais pas tirer de conclusion sur l’intention des curateurs et curatrices de ces expositions-là car d’autres critères rentrent aussi en considération dans le choix d’un titre, néanmoins, on pourrait discuter de ce que la position du mot « femmes » apporte comme sens supplémentaire : veut-on mettre l’accent sur le genre (femme) ou la fonction (peintre, photographe) ? Parler d’artiste femme ou de femme artiste introduit-il une nuance où la fonction prédomine (une artiste avant tout qui est aussi une femme par ailleurs) ou bien le genre (une femme avant tout qui est aussi une artiste par ailleurs) ? Cela semble être un détail mais dans un monde qui a tendance à essentialiser les compétences (il y aurait par exemple un leadership féminin comme une cuisine féminine), savoir si féminin décrit le genre d’une artiste ou son style prend toute son importance.

Les mots épicènes, faux amis du langage inclusif ?

Deuxième chose à noter : ces exemples sont de parfaites illustrations que les mots épicènes, notamment utilisés de manière englobante au pluriel, sont censés désigner des groupes mixtes comprenant hommes et femmes mais qu’en réalité ils ne rendent pas visibles tout le monde. Leur interprétation est par ailleurs victime de nos biais et stéréotypes de genre. En bref, dire « les artistes » ne convoquent pas nécessairement l’image de femmes.

Très concrètement, si on enlevait le mot « femmes » de ces affiches, et surtout de la seconde qui évoque un champ d’action particulièrement assimilé aux hommes (la photographie sur un terrain de guerre), il y a fort à parier qu’une personne interrogée au hasard dans la rue n’aurait pas envisagé la possibilité que des photographies prises par des femmes y soient exposées.
C’est ce qu’a par ailleurs démontré un sondage de 2021 mené dans le cadre d’une étude conjointe de Mots-Clés avec Google : on a demandé à 3 groupes de nommer des personnes célèbres dans différentes fonctions et on a noté combien de femmes et d’hommes étaient spontanément cités en fonction de la formulation de la question :

une formulation genrée au masculin générique : « citez deux écrivains célèbres »
une formulation épicène : « citez deux personnes célèbres pour leurs écrits »
une formulation inclusive par énumération : « citez deux écrivains ou écrivaines célèbres ».

Systématiquement, la formulation genrée au masculin dit générique a suscité deux à trois fois moins de noms de femmes que les deux autres formulations, et la formulation épicène a suscité en général moins de noms de femmes que la formulation inclusive (avec énumération).

Ce que cela signifie, c’est que si l’on veut que les gens pensent à des femmes face au titre d’une expo, d’un film ou d’une série, il faut mettre de manière visible le mot femme ou le nom de la fonction au féminin et non pas les noyer dans un masculin dit générique. Et quand le terme épicène désigne une profession majoritairement perçue comme masculine (comme philosophe ou artiste, même si c’est de moins en moins le cas), il sera d’autant plus difficile de faire émerger l’image de femmes dans les représentations sans mention explicite du féminin.

D’ailleurs, le principe de visibiliser les personnes par l’explicitation du mot qui les représente, quitte à frôler la redondance, peut aussi s’appliquer à d’autres dimensions de l’identité que le genre. C’est par exemple le cas dans l’exposition « Homosexuels et lesbiennes dans l’Europe nazie » au Mémorial de la Shoah.

On aurait pu imaginer que le mot « homosexuel » et donc l’homosexualité qui comprend le lesbianisme aurait suffit à décrire les personnes dont on parle. Mais de même que les femmes ont été invisibilisées dans l’histoire du monde, les lesbiennes l’ont aussi été dans l’histoire LGBTQIA+. Expliciter leur présence dans l’exposition dès son titre, c’est déjà participer à les rendre visibles, et s’assurer qu’on va aussi s’attacher à décrire leur destin spécifique.
Si l’exposition avait été intitulée au masculin générique « Homosexuels dans l’Europe Nazie » ou en mode épicène « Personnes homosexuelles dans l’Europe Nazie » (formulation peu naturelle de toute façon), avec une image représentant par ailleurs un homme, on aurait pu s’imaginer très légitimement que l’expo ne concernait que les hommes gays, ce qui n’était pas le cas. Au-delà de rendre les lesbiennes invisibles, ce titre aurait même été imprécis car il n’aurait pas décrit la réalité de l’exposition. Il ne s’agit même plus de visibiliser les lesbiennes mais de choisir un titre dont le sens est pertinent.

Féminiser les noms de métiers, la base

Je vous avoue que quand j’ai vu l’affiche de l’exposition au Musée du Luxembourg, « Peintres femmes, 1780-1830 Naissance d’un combat », j’ai été fâchée. N’aurait-il pas été génial d’appeler cette expo simplement « Peintresses », mot communément employé jusqu’au 17e siècle au moins et le début de la masculinisation de la langue française, tout comme chevaleresse au Moyen-Âge ?

Employer le féminin des noms de métiers, c’est une des trois conventions de base du langage inclusif : j’ai déjà expliqué pourquoi je préfère dire autrice, mairesse et entrepreneuse plutôt qu’auteure, maire et entrepreneure afin de rendre visibles et audibles le féminin des noms de métiers. Le Musée du Luxembourg avait ici une excellente opportunité non seulement de faire preuve de précision historique en employant le mot « peintresse » présent dans la langue française de l’époque couverte par l’exposition, mais aurait pu s’éviter le double « peintres femmes » et participer à réhabiliter un mot attesté, précis et qui a le mérite de distinguer clairement un peintre d’une peintre(sse) sans le risque d’essentialiser. D’autant que le mot « peintresse » est tout à fait compréhensible comme un féminin et aurait même pu piquer la curiosité de celles et ceux qui auraient été surpris par ce terme.

Neutraliser ou visibiliser : le verdict

Remettons les choses en perspectives : la base du langage inclusif est de ne pas tout dire au masculin dit générique car notre cerveau voit des hommes quand on lu parle au masculin, même s’il a appris à l’école que le masculin peut représenter tout le monde. Ce n’est pas moi qui le dit mais 40 ans d’expérimentations scientifiques.
Toutes les méthodes qui permettent d’éviter le masculin générique sont donc recevables, qu’il s’agisse de termes épicènes comme « cinéaste » plutôt que « réalisateur », de termes englobants comme « le corps enseignant » plutôt que « les professeurs », ou d’énumération (aussi appelée double flexion ou doublets) comme « curateur et curatrices » plutôt que simplement « curateurs ».
Aussi, dans un texte ou un discours, et pour assurer la fluidité du style, on va alterner entre ces différentes options. Le principal défi de celles et ceux qui veulent écrire en inclusif est de ne pas « traduire » un texte au masculin en mettant des doublets partout, ce qui alourdit le texte et apporte de l’eau au moulin des personnes opposées au langage inclusif parce que ça serait « moche ».

Mais il faut avoir conscience que toutes ces options n’ont pas la même efficacité si notre objectif est de rendre visibles les femmes dans l’espace public et médiatique.
Les termes épicènes et englobants qui neutralisent dans une formulation non genrée cachent les femmes dans un ensemble là où, notamment dans les métiers où elles sont particulièrement sous-représentées, on voudrait rendre visible leur présence. Par exemple, je vais préférer dire « les développeurs et développeuses » à n’importe quelle autre formulation inclusive car je veux dire le mot « développeuse » pour les faire exister, alors qu’elles ne représentent en France que 15% des ingénieur·es informatiques.
Dans les cas où le mot qui convient est épicène, comme artiste ou photographe, l’explicitation du féminin est indispensable : en ajoutant le mot femme, donc, ou en jouant sur les déterminants pour faire exister le féminin (avec « un ou une » ou un·e à l’écrit).
D’ailleurs « artiste » est un mot très large, et il comporte beaucoup de nuances qui peuvent être féminisées : plasticienne, performeuse, scrulptrice, dessinatrice, illustratice et même peintresse.
Quand le féminin peut se distinguer du masculin, je préfèrerai cette option car le féminin explicite sera toujours pour moi le meilleure gage de la visibilisation des femmes.

Quand j’ai vu l’affiche de l’exposition Pionnières, j’étais donc ravie à l’idée d’aller la visiter (qui aurait d’ailleurs pensé à l’appeler « Femmes pionniers » ?). Jusqu’à ce que je m’interroge à nouveau : montrer un sein était-il indispensable ? Peut-être fallait-il rendre l’exposition plus… sexy ? Mais c’est un autre débat.

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Le langage inclusif pour les nul·les

3 freins à la pratique du langage inclusif

En 2021, j’ai formé au langage inclusif environ 300 personnes dans mon entreprise (qui en compte environ un millier dans ses bureaux parisiens), et c’est un accomplissement dont je suis très fière. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de partager le contenu de cette formation (dans une version condensée et bien moins interactive) lors d’une journée spéciale organisée par les Ateliers numériques de Google que vous pouvez revoir sur YouTube.

Cependant, même si le taux de satisfaction de la formation était très élevé (avec une note de 4,7/5), j’ai observé dans mes interactions avec les personnes formées que finalement peu d’entre elles avaient développé une pratique systématique du langage inclusif et que l’écrasante majorité ne le pratiquait que très peu voire pas du tout. Il faut noter l’exception du service marketing de mon entreprise qui s’est emparé du sujet comme d’un objectif d’équipe et dont je détaille les actions dans l’article Le marketing inclusif passe aussi par le langage sur Thinkwithgoogle.fr.

Il semblait donc que j’étais confrontée à un paradoxe : alors que les feedbacks de cette formation montraient que les personnes ressortaient convaincues de la nécessité d’un langage plus inclusif, cette conviction ne se transformait pas (ou peu) en pratique.
Deux questions se posaient alors à moi : comment objectiver cette intuition pour s’assurer que ces observations représentaient la réalité ? Et si c’était bien le cas, comment mieux accompagner le passage de la conviction à la pratique ?

90% des personnes formées ont une pratique au moins occasionnelle du langage inclusif

A la fin de 2021, j’ai donc proposé à toutes les personnes formées de répondre à un rapide questionnaire et de participer à une session d’échanges et de retours d’expérience.

10% des personnes formées environ ont répondu au questionnaire : près de 90% des répondant·es déclarent avoir une pratique au moins occasionnelle d’une forme ou une autre de langage inclusif. Cela peut être simplement dire « bonjour à toutes et à tous » ou féminiser les noms des métiers. Je trouve ce chiffre très élevé et il me réjouit, mais je veux le prendre avec précaution car il est fort probable qu’il y a un biais positif du fait que les personnes qui ont pris le temps de répondre sont très certainement les personnes les plus intéressées (voire impliquées) sur la question du langage inclusif.

En revanche, j’ai retiré de l’analyse combinée des données quantitatives du questionnaire et des données qualitatives de la session d’échanges des enseignements autrement plus pertinents et actionnables.

Frein #1 : la systématisation

« Je le fais de temps en temps mais j’ai du mal à le faire tout le temps » démontre à quel point il est difficile de déconstruire des automatismes ancrés depuis notre enfance et que la pratique du langage inclusif implique une grande conscience de soi (et de ce qu’on dit) pour sortir du mode « pilote automatique » dans lequel on est quand on s’exprime. Cela implique de réfléchir à quelque chose à quoi on a perdu l’habitude de réfléchir.

« Certains automatismes comme « hey guys » restent en tête malgré une volonté d’être inclusif. Cela est probablement causé par un manque de langage inclusif dans le contenu audio-visuel que je consomme. »

Je trouve très pertinent ce constat qu’il existe un lien entre notre manière de nous exprimer et les styles d’expressions auxquels nous sommes exposé·es en lien avec le langage inclusif. Et c’est pourquoi il est fondamentale pour moi d’influencer autant que possible les entités créatrices de discours public, visible, comme les marques (qui font de la publicité), les médias (qui manient un langage à forte valeur prescriptive) et le monde du divertissement au sens large (édition, séries, cinéma…).

Frein #2 : la spontanéité

« C’est plus facile à l’écrit qu’à l’oral » est le deuxième constat qui a émergé. Pour les personnes qui ont la conscience des automatismes décrits ci-dessous vient la question de la compétence.

« J’ai le sentiment de plafonner aux applications « faciles » du quotidien, j’aimerais bien réussir à aller plus loin en repensant parfois complètement la façon de formuler des phrases pour qu’elles soient par nature inclusive (plutôt que de doubler à chaque fois un mot par exemple). »

Ce qui est en jeu ici est à la croisée de la connaissance des 3 grandes conventions du langage inclusif (en tout cas celles que je pratique) et du sentiment que s’exprimer de manière inclusive prend plus de temps et demande un effort, parfois considérable. Je ne peux pas nier que cet effort existe et qu’il prend du temps, temps dont on ne dispose pas toujours quand on est sous la pression d’une deadline ou qu’on répond rapidement sur un chat. Cela dit, il y a une manière simple de réduire le sentiment d’effort : l’entraînement. Et même s’il peut paraître évident que pour parler de manière inclusive comme pour apprendre une langue étrangère on doit s’entraîner, encore faut-il identifier quelles sont les formes et modalités d’entraînement qui sont adaptées à chaque individu, en fonction de son contexte, de son temps disponible, de son objectif. En mode stage intensif à la Wall Street English et/ou en mode gamification comme le propose l’application DuoLingo ?

Frein #3 : une forme d’insécurité linguistique

« Personne d’autre ne l’utilise dans mon entourage » est le troisième mais certainement le plus fort des 3 freins identifiés, qui rentre en résonance avec de nombreux témoignages : pratiquer un langage inclusif crée la peur du jugement et de l’isolement.

« J’appartiens à une minorité ethnique très stigmatisée dans les médias en ce moment et je fais très attention à ça et donc pour l’instant je n’utilise pas le langage inclusif dans mes écrits. Je commence juste à utiliser « bonjour à toutes et à tous » à l’oral. »

Le langage inclusif est perçu, je cite, comme un « acte militant » qu’on ne peut employer que quand on s’adresse à une « audience éduquée » sous peine de passer pour celle ou celui qui « donne des leçons », voire d’être accusé « d’hypocrisie » si on est un homme.
L’isolement est donc craint pour soi en tant que locuteur ou locutrice mais aussi pour les personnes à qui on s’adresse en créant un écart entre les sachant·es et les autres, les militant·es et les autres. Cette forme de mise à l’écart peut se rapprocher du phénomène d’othering où l’on met l’accent sur ce qui nous sépare plutôt que ce qui nous rapproche (par opposition au concept de bridging).
On a aussi peur de devoir se justifier, de rentrer dans un débat dont on craint de ne pas maîtriser tous les arguments et de ressortir ridiculisé·e parce qu’on n’a pas réussi à répondre à toutes les objections (dont vous pouvez retrouver quelques exemples et 10 punchlines pour y répondre ici).
La mention de l’origine ethnique ou du genre masculin du locuteur montre aussi la dimension intersectionnelle de la difficulté à pratiquer le langage inclusif.

Finalement, ce qui se joue ici peut tout à fait s’apparenter à une forme d‘insécurité linguistique.

L’insécurité linguistique peut être définie brièvement comme l’inconfort ressenti par une personne au cours d’un échange verbal, le plus souvent en situation de communication formelle, c’est-à-dire assujettie à une norme linguistique précise, correspondant à l’usage dominant. Cette notion commence à entrer dans l’usage commun car elle peut toucher tout un chacun se trouvant dans une situation de communication formelle où il est appelé à surveiller sa manière de parler.

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Je vois un parallèle évident avec l’idée de surveiller sa manière de parler, d’avoir peur du jugement des autres si on ne s’exprime de la manière majoritaire, ainsi que dans l’inconfort lié au sentiment de ne pas maîtriser les conventions du langage inclusif et de « faire n’importe quoi ».

Comment sortir de cette insécurité linguistique ? Des pistes ont été évoquées par les répondant·es : s’appuyer sur sa position de leader dans une organisation ou un groupe pour inspirer l’expression générale ; créer, surtout dans le monde de l’entreprise, un cadre rassurant et protecteur pour les personnes qui veulent s’exprimer de manière inclusive (comme c’est le cas dans mon entreprise avec les guidelines des équipes marketing) ; surtout renforcer sa confiance en soi pour gérer l’inconfort et faire preuve de bienveillance envers soi-même et les autres pour minimiser le sentiment de mise à l’écart (othering) et créer des liens (bridging).

Comprendre ces freins permet maintenant de s’attarder à la deuxième question sur laquelle je réfléchis actuellement : comment mieux accompagner le passage de la conviction à la pratique ?
Une de mes pistes de réflexion est de m’inspirer des outils du coaching, une pratique bienveillante et sans jugement qui vise à rendre autonomes les individus à la poursuite d’un objectif (ici, ancrer la pratique du langage inclusif) en identifiant freins mais surtout ressources par le questionnement ouvert et la prise de conscience. Tout un programme, non ?

Nous verrons où me mèneront ces explorations mais je retiens en tout cas que ne pas pratiquer le langage inclusif, même quand on est convaincu·e de son utilité, va bien plus loin que de simplement « ne pas connaître les règles à appliquer » : c’est une parcours de déconstruction et reconstruction qui demande engagement, confiance et entraînement.

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10 livres sur le langage inclusif et précis

Aujourd’hui, je vous propose une rétrospective de 10 livres que j’ai lus et aimés en 2021 sur le thème du langage inclusif et précis.

« Le langage inclusif : Pourquoi, comment ? » d’Eliane Viennot, avec une postface de Raphaël Haddad et Chloé Sebagh, Editions Ixe, 140 pages, 15 euros

« En finir avec l’homme, chronique d’une imposture » d’Eliane Viennot, Editions Ixe, 114 pages, 6,50 euros

« Le cerveau pense-t-il au masculin : cerveau, langage et représentations sexistes » de Pascal Gygax, Sandrine Zufferey et Ute Gabriel, Le Robert, 172 pages, 18 euros

« Qui veut la peau du français ? » de Christophe Benzitoun, Le Robert, 282 pages, 22 euros

« Le français est à nous : petit manuel d’émancipation linguistique » de Maria Candea et Laélia Veron, La Découverte Poche, 224 pages, 10,50 euros

« La Ministre est enceinte ou la grande querelle de la féminisation des noms » de Bernard Cerquiglini, Points, 232 pages, 7,10 euros

« Genre, langue et politique : le langage non sexiste en débats », Cahiers du Genre aux éditions l’Harmattan, 294 pages, 24,50 euros

« Dictionnaire critique du sexisme linguistique », ouvrage collectif, Editions Somme Toute, 260 pages, 22 euros

« Manifeste pour un vin inclusif », de Sandrine Goeyvaerts, Editions Nouriturfu, 90 pages, 10 euros

« Sur les bouts de la langue : Traduire en féministe/s », de Noémie Grunenwald, Editions de la Contre Allée, 186 pages, 19 euros

Bonne lecture !

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10 punchlines pour tenter de survivre aux débats de fin d’année sur l’écriture inclusive

Je le dis et le répète souvent : en plus des 3 conventions simples à suivre pour pratiquer un langage inclusif, la quatrième règle que je m’applique est de faire preuve de bienveillance envers moi-même (je ne suis pas une machine et je vais parfois utiliser un masculin générique, ce n’est pas grave) et envers les autres (il y a un gros travail d’éducation à faire sur ce sujet et on ne peut pas attendre de tout le monde une pratique systématique et immédiate du langage inclusif).

Néanmoins, ma bienveillance a aussi ses limites, notamment dans des contextes où je me trouve avec des personnes qui ne sont pas ouvertes au dialogue authentique voire pratiquent une crasse mauvaise foi.

Aussi, à l’approche de la fin d’année où de nombreuses personnes vont se retrouver dans des fêtes de famille ou avec des connaissances plus ou moins choisies, j’ai décidé de recenser 10 idées-reçues ou arguments fréquemment opposés au langage inclusif (et surtout à l’écriture inclusive) et de proposer 10 punchlines pour les parer.

Evidemment, on n’a pas à engager dans des débats si on n’en a pas envie et il est important de préserver sa santé mentale aussi parfois on préférera botter en touche ou simplement faire comme si on n’avait rien entendu, et c’est ok. Dans les autres cas, j’espère que ces quelques contre-arguments vous seront utiles.