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Le langage inclusif pour les nul·les

Règles de l’écriture inclusive : 3 conventions simples à appliquer

Quand on s’intéresse au sujet de la place des femmes dans la langue, il est normal d’avoir comme premier réflexe de chercher « quelles sont les règles de l’écriture inclusive ». D’autant plus dans un contexte français où la question du respect des règles d’orthographe et de grammaire est très présent, à l’école, dans les entreprises, et dans la vie en général.

La bonne nouvelle, c’est que si vous êtes arrivé·e jusqu’ici, vous n’allez plus tâtonner longtemps, car la pratique est en réalité très simple.

Règles de l’écriture inclusive : et si on parlait plutôt des conventions du langage inclusif ?

Quand on creuse un peu le sujet, et qu’on lit notamment les travaux des linguistes, on comprend qu’il est beaucoup plus constructif (et rassurant) de ne pas parler de règles (comme celle qui tape sur les doigts), mais plutôt de conventions, c’est-à-dire de pratiques communément rencontrées dans l’usage par les locuteurs et les locutrices (les gens qui parlent et qui écrivent une langue).

Parce que dans une langue vivante, comme le français, ce ne sont pas les livres de grammaires qui font la loi de la langue, mais l’usage qui crée une norme, une convention. En gros, plus les gens disent et écrivent d’une certaine façon, plus cette façon de dire et d’écrire s’impose pour devenir la norme.

Et suivre une convention, c’est plus positif et constructif que de suivre une règle à la lettre : tout de suite, on se détend.

Aussi, dans ma pratique à moi, je préfère parler de langage inclusif plutôt que d’écriture inclusive pour 3 grandes raisons.

Car l’expression « écriture inclusive » :

  • se limite à la sphère de l’écrit, alors que s’exprimer en inclusif est aussi une pratique orale
  • est très polémique et crée beaucoup de résistance, rendant les échanges parfois difficiles
  • se focalise sur l’objectif de rendre visibles les femmes, alors que ma vision du langage inclusif s’étend à tous les mots qui désignent des personnes historiquement discriminées

👉🏼 A lire pour aller plus loin : Pourquoi je dis : langage inclusif

Les conventions du langage inclusif se normalisent progressivement

Ce qu’il est fondamental d’avoir à l’esprit quand on parle d’écriture inclusive, c’est que nous sommes à un moment où les conventions se stabilisent mais qu’il n’existe pas encore une forme de pratique communément admise par tous et toutes pour son usage.
L’Académie Française a préféré être en opposition totale à l’écriture inclusive pendant des années plutôt que de proposer une convention qui normaliserait un usage partagé.

Si bien qu’aujourd’hui, les pratiques varient beaucoup.

Si on prend l’exemple de la ponctuation, on peut rencontrer différentes formes :

  • point final (avocat.e)
  • point médian (avocat·e)
  • parenthèses (avocat(e) )
  • majuscule (avocatE)
  • italique (avocate)

Dans d’autres langues, on utilise encore d’autres signes : le tiret en allemand, l’astérisque en espagnol, le schwa (e inversé ə) en italien, l’arobase…

Conséquence : les débats autour de l’écriture inclusive (dont certains très légitimes comme sa lisibilité par les personnes dyslexiques par exemple) sont souvent frustrants, car personne ne parle pas de la même chose, d’autant que la ponctuation n’est que la partie immergée de l’iceberg des méthodes du langage inclusif.

Dans les formations sur le langage inclusif que je dispense, je met l’accent sur 3 grandes conventions, celles vers lesquelles convergent les institutions et les expert·es en matière de langage inclusif :

3 conventions simples pour s’exprimer de manière inclusive

Féminiser les noms de métiers quand on parle de femmes

On dit la ministre, la présidente, une directrice, une autrice et non pas Madame Le Directeur.

Préférer les formulations qui permettent une distinction claire du féminin et du masculin (notamment à l’oral) : autrice plutôt qu’auteure, mairesse plutôt que maire.

👉🏼 A lire pour aller plus loin : Pourquoi je dis : autrice, entrepreneuse et mairesse

Eviter le masculin dit générique quand on parle de groupes mixtes

En français existe cette règle selon laquelle « le masculin l’emporte(rait) sur le féminin ». Quand on parle d’un groupe, s’il y a au moins un être humain, une chose, un animal de genre grammatical masculin, alors on doit tout accorder au masculin. C’est pourquoi on est par exemple censé écrire : « 1000 femmes et 1 chien sont venus » en accordant au masculin.

C’est ce principe du masculin dit générique que veut éviter l’écriture inclusive.

Pour faire ça, il y a 4 grandes méthodes :

  • Les doublets aussi appelés double-flexion ou énumération : comme Charles De Gaulle qui a inauguré le « Françaises, Français » ou Emmanuel Macron qui a systématisé l’emploi de « Celles et ceux » dans ses discours (au grand regret de certains, et peut-être certaines).
Une affiche de la ville de Paris promouvant le nouveau " magazine des Parisiennes et des Parisiens"
  • Les termes épicènes sont invariables en genre, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas marqués en tant que masculin ou féminin, comme artiste, membre ou peintre*. On accorde alors seulement l’article (la peintre, une artiste).
Affiche pour une exposition intitulée "Femmes peintres"

👉🏼 A lire pour aller plus loin : Femmes artistes, artistes femmes : les mots épicènes, faux amis du langage inclusif ?

  • Les termes englobants : comme le personnel soignant (plutôt que les docteurs et les infirmières), le corps enseignant (plutôt que les professeurs), l’équipe (plutôt que les collaborateurs)
Affiche de recrutement pour "les métiers des services auto/moto/camion/vélo"
  • La ponctuation : le point médian est favorisé aux autres formes de ponctuation comme le point final ou la parenthèse car il n’a aucune connotation (on ne met pas les femmes entre parenthèses) et reste neutre.
    On réserve son usage aux mots dont la forme masculine et féminine sont proches comme étudiant·e ou chirurgien·ne, mais on l’évite quand elles sont trop éloignées comme créateurs et créatrices qu’on préfère à créateur·ices.
Affiche publicitaire avec un point médian

Gardez en tête que ces formulations écrites s’oralisent facilement :  à l’oral, on lit M. en “Monsieur” et Mme en Madame, on peut donc bien lire l’avocat·e en “l’avocat ou l’avocate”

👉🏼 A lire pour aller plus loin : On fait le point sur le point médian

Éviter les termes totalisants

Ne pas dire Les hommes ou l’Homme pour parler de l’Humanité, ni La Femme pour parler des femmes de manière générique.

    Mais comment faire le point médian sur son clavier ?

    Insérer le point médian
    Sur un Mac : SHIFT + ALT + F 
    Sur PC : Alt + 0 1 8 3 : le point médian apparaît en relâchant Alt.
    Il existe aussi des extensions pour navigateur qui convertissent automatiquement le point final en médian comme e·i·f (écriture·inclusive·facile).

    Bonus : le quatrième principe

    Ce n’est pas en un article qu’on peut faire le tour de la question, et il y a encore beaucoup à dire notamment sur les arguments qui s’affrontent autour du langage inclusif, sur les pratiques plus créatives des militant·es de l’inclusif et sur l’invention de nouveaux mots qu’on pourrait aussi avoir envie d’insuffler au français qui, après tout, est une langue vivante.

    Mon objectif ici est de partager du contenu qui soit accessible et pratique. Les 3 règles partagées ici sont simples à retenir et doivent être largement diffusées.

    Le quatrième principe du langage inclusif, c’est faire de son mieux, garder en tête qu’il n’y a pas une seule façon de rendre un texte inclusif, qu’on va certainement se tromper (et moi la première). Etre bienveillant·e avec soi-même, écouter les commentaires, reconnaître ses erreurs et progresser, c’est déjà contribuer.

    Finalement, quand on regarde avec attention les règles de l’écriture inclusive partagées ici, on remarque que rien de tout cela n’est très nouveau pour qui parle français. Finalement, vous n’avez rien à apprendre pour vous exprimer de manière inclusive.
    En revanche, il faut désapprendre l’automatisme de toujours parler au masculin, et c’est là que ça peut devenir plus compliqué.

    Pour aller plus loin dans votre pratique, se former à l’écriture inclusive peut être une solution : cela vous permettra de pratiquer les différentes méthodes, de dépasser la peur de mal faire qui nous freine souvent et de trouver une manière d’écrire et de parler qui vous convient et qui est durable dans le temps.

    Le parcours re·wor·l·ding et ses formations au langage inclusif sont faites pour ça.