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Le langage inclusif pour les nul·les

« Comment écrire en écriture inclusive » : la matrice ultime pour vous guider et des exemples pour l’illustrer

« Comment écrire en écriture inclusive » : quand on fait cette recherche sur Internet, on tombe sur de nombreux articles qui détaillent les règles de l’écriture inclusive (moi, je préfère parler de conventions), listent les outils disponibles et proposent des exemples d’écriture inclusive, souvent de simples phrases qui passent du masculin dit générique à une version avec point médian ou mots épicènes.

Tout cela est très bien (et nécessaire) mais il manque souvent à ces articles une vue plus holistique des différentes techniques du langage inclusif (formulation que je préfère à écriture inclusive) qui permette de mieux comprendre les différences entre ces outils et de faire des choix stratégiques.

Cette matrice, je l’ai créée pour vous (avec l’aide de mon fils de 11 ans, vous allez comprendre).

Écriture inclusive : comment faire ?

Commencer par ranger sa boîte à outil

Je dis souvent que le langage inclusif, c’est comme une boîte à outils.

Quand on veut construire une table, on n’utilise pas qu’un marteau. On utilise aussi une scie, un tournevis, et j’en passe.

Pour créer un texte ou un discours en inclusif, c’est pareil : on n’utilise pas qu’une seul outil, comme la ponctuation ou les doublets.

Utiliser les bons outils permet d’avoir une table jolie et stable. De même, utiliser la palette des outils du langage inclusif permet d’obtenir un texte agréable à lire et efficace.

Mais tous les outils ne produisent pas les mêmes effets.

Alors comment les choisir ?

Les questions à se poser quand on écrit en inclusif

Il faut partir du contexte dans lequel le texte sera reçu : on ne va pas s’exprimer de la même manière dans un email à sa famille ou une présentation pour des client·es.

Il est alors utile de se poser ces 2 questions :

  • Quelle est mon audience ?
    Est-ce que les gens à qui je m’adresse ont l’habitude de voir des textes en inclusif ou pas ?
    Est-ce un groupe militant ou une audience dont je ne connais pas du tout les valeurs ?
  • Quel est mon objectif ?
    Je ne veux pas exclure les femmes en choisissant des formulations qui neutralisent ou je veux leur donner encore plus de visibilité ?

Répondre à ces questions permet de choisir l’outil le plus pertinent dans un contexte donné et de varier d’utilisation en fonction de :

  • son objectif de visibilisation des femmes : neutraliser, égaliser, visibiliser, réinventer.

    Parce qu’on sait que toutes les formes de langage inclusif n’ont pas la même efficacité pour créer des représentations mentales féminines (par exemple, les épicènes sont moins efficaces que les doublets)

La matrice Evoli, d’évaluation des outils du langage inclusif

Pour vous aider à vous repérer, j’ai créé un outil d’aide à la décision.

C’est une matrice d’évaluation des outils du langage inclusif. Ou Evoli.

Comme le Pokémon Evoli qui a la capacité d’évoluer vers tous les types de Pokémon en fonction de son environnement (vous comprenez pourquoi j’ai demandé de l’aide à mon fils, maintenant ?).

Cette matrice classe les principaux outils du langage inclusif sur 2 axes :

  • leur efficacité pour créer des représentations mentales féminines
  • leur adhésion ou résistance anticipée en fonction de leur caractère plus ou moins identifiable comme étant des outils du langage inclusif.

Sur cette matrice, vous voyez comment se positionne chaque outil du langage inclusif.

Matrice en 4 cadran : adhésion facile + efficacité > doublets. adhésion facile + moins efficace > épicènes, termes englobants, formulations non genrées. résistance probable + plus efficace > ponctuation, féminisation ostentatoire. résistance probable + moins efficace > néologismes.

Sur cette version, j’ai positionné des exemples de chacun de ces outil du langage inclusif pour être encore plus concrète.

exemples de chaque outils : doublets : Françaises, Français. ponctuation : point médian, parenthèse, tiret. féminisation ostentatoire : femmes architectes. épicènes : artistes, libraires. termes englobants : la direction, le personnel. formulations non genrées : "vos compétences en développement sont recherchées". néologismes : auditeurices, toustes.

10 exemples d’écriture inclusive vus dans la rue

Observons quelques exemples d’écriture inclusive sur des supports publicitaires afin de mettre en pratique cette matrice et de réaliser que le langage inclusif est déjà très largement utilisé en communication.

Pour info, ici je parle d’écriture inclusive parce que ce sont des exemples écrits (et que c’est bon pour le référencement de cet article), mais la plupart de ces exemples fonctionnent à l’oral (sauf la version ponctuation).

Exemple d’écriture inclusive #1 : les doublets

A Paris, Le magazine des Parisiennes et des Parisiens : permet de renforcer l’adresse globale à toute la population de Paris. Et c’est cohérent avec la pratique habituelle de la Mairie de Paris, très engagée sur la question du langage inclusif.
Efficacité maximum, adhésion facile.

Une affiche de la ville de Paris promouvant le nouveau " magazine des Parisiennes et des Parisiens"

Exemple d’écriture inclusive #2 : la ponctuation

Ici un point médian, mais existe aussi avec des parenthèses, des points finaux, des tirets, et j’en passe…
Efficacité importante, résistance très probable dans la population générale, certainement moins pour la cible de Passage du désir, positionnée comme une marque engagée sur les questions de genre.

Affiche pour Passage du désir où on lit : Près d'un·e Français·e sur 3 voudrait ceci en cadeau.

Exemple d’écriture inclusive #3 : la féminisation ostentatoire

J’adore ce exemple : parce si le mot femme n’était pas là pour préciser de quelles photographes on parle, on penserait à une exposition bien différente. Attention, les épicènes peuvent être des faux-amis du langage inclusif quand ils désignent des métiers très genrés.
Efficacité maximum, adhésion facile.

Affiche opur l'exposition "Femmes photographes de guerre"

Exemple d’écriture inclusive #4 : termes englobants

Clientèle, patientèle, direction, personnel…des mots très pratiques pour éviter le masculin dit générique.
Efficacité moyenne (comme pour les mots épicènes qui neutralisent mais ne visibilisent pas) mais adhésion très facile.

Affiche de la BNP : agence clientèle internationale

Exemple d’écriture inclusive #5 : formulations non genrées

L’adresse directe à la deuxième personne est souvent une excellente manière de contourner les formulations genrées, comme dans cet exemple.
Efficacité moyenne (même si l’idée de mettre une femme en visuel est excellente pour contrecarrer les stéréotypes de genre), adhésion facile.

Affiche avec une femme portant un casque de chantier où on lit : "vos compétences sont activement recherchées"

Exemple d’écriture inclusive #6 : les néologismes

Les néologismes, ou mots nouveaux, peuvent être très pratiques dans certains contextes et signalent un engagement fort ; ils présentent aussi l’avantage d’inclure les personnes non-binaires.
Mais il ne sont pas toujours compréhensibles par le plus grand nombre, notamment les personnes dont le français ne serait pas la langue maternelle. Ils sont aussi rejetés par une majorité de la population. Aussi ce théâtre prend-il un risque, certes mitigé par la connaissance de son public cible attiré par une programmation très ancrée dans les questions de genre.
Efficacité moyenne, résistance probable.

Colonne Morris avec une affiche de théâtre des 3 Bornes où on lit : "Toustes ensemble"

Exemple d’écriture inclusive #7 : mot épicène

Depuis que je m’exprime en inclusif, j’utilise beaucoup plus le mot « personne », comme sur cette affiche. Mais sans préciser de qui on parle, les stéréotypes liés au secteur (« métier pour hommes », « littérature pour femmes »…) prennent le relais, aussi l’efficacité pour rende visibiles les femmes est moyenne. En revanche, l’adhésion est facile puisque c’est un simple choix de vocabulaire alternatif, très courant.

Bus on lit une affiche pour un livre qui a "transporté plus de 700 000 personnes"

Une matrice c’est cool, une formation c’est mieux.

La matrice Evoli est un des outils que j’ai développés en tant que formatrice au langage inclusif. Après avoir exposé les enjeux du langage inclusif et ses grandes conventions, elle me permet d’amener l’idée de la boîte à outils comme étant un espace de créativité : la multiplicité des outils peut faire peur, c’est vrai, mais c’est surtout une opportunité pour travailler des textes avec une contrainte créative qui nous pousse à plus de diversité rédactionnelle, de précision et donc, d’inclusion.

Si vous avez envie d’aller plus loin dans l’exploration de cette matrice et ancrer une pratique pérenne du langage inclusif dans votre vie pro et perso, les inscriptions à la prochaine session de formation collective sont ouvertes.

C’est une formation inter-entreprises où on se retrouve en petit groupe, pour 3 sessions de 2h en visio espacées de 2 semaines, avec 3 objectifs :

  • maîtriser les outils
  • identifier les freins, les lever et apprendre à argumenter
  • trouver une pratique qui nous convient, alignée à nos valeurs et réaliste à mettre en oeuvre

Les dates du prochain cycle de formation sont les mardi 20 mai 2025, 3 et 17 juin de 10h à 12h.

Retrouvez le programme détaillé, les tarifs et formulaire d’inscription sur le catalogue re·wor·l·ding sur Digiforma. Et si vous avez envie qu’on en parle de vive voix, contactez-moi !

Une formation noté 5 étoiles par les apprenant·es (et plus de témoignages ici).

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Pourquoi dire et ne pas dire

8 mars : pour l’égalité femmes-hommes, pas l’inverse.

Le 8 mars est un jour critique. Au-delà de son message politique, c’est aussi un moment important pour se poser des questions liées au vocabulaire employé pour parler d’égalité : par exemple, quelle différence y a-t-il entre l’égalité femmes-hommes et l’égalité Homme-Femme ? Pourquoi ne pas parler d’égalité de genre ?
Explications de texte à lire en 5 minutes, et si vous avez la flemme, vidéo récap en fin d’article.

8 mars, pour le meilleur et pour le pire

Comme on dirait en anglais, le 8 mars est à la fois « a blessing and a curse ». C’est-à-dire une bénédiction et une malédiction.

C’est un moment important parce qu’on a besoin, surtout dans le contexte politique réactionnaire actuel, de saisir chaque opportunité de dire, redire, manifester et célébrer la lutte pour les droits des femmes que cette journée signale.

Et cette journée n’est pas juste un coup d’épée dans l’eau : pour preuve, regardez ce graphique issu de Google Trends qui montre comment évoluent les recherches des internautes en France sur « l’égalité femmes-hommes », le « féminisme » ou « la mixité » sur les 5 dernières années.



On y observe distinctement des pics de recherches autour du 8 mars qui démontrent que les gens s’intéressent à ces sujets, cherchent à en savoir plus. Et ça, c’est positif.

Mais le 8 mars est aussi un moment très difficile, notamment pour les militant·es féministes, car cette date est (ou devrait être) une journée politique, pas une fête des femmes ou un marronnier promotionnel à la gloire des aspirateurs et autres crèmes anti-âges.

Tout est résumé dans ce post de Pépite sexiste qui n’a jamais peiné à renouveler chaque année sa galerie d’exemples :


Ce détournement permanent de l’essence du 8 mars est épuisant.

Et franchement, quand je vois la une que le Figaro Magazine choisit pour le 8 mars 2025, je ne suis pas seulement épuisée.

Je suis outrée et furieuse.

Couverture du Figaro Magazine où on voit Frédéric Beigbeder avec le titre "Vive les hommes", le manifeste de Frédéric Beigbeder.

Dans un mouvement tout à fait symptomatique, à la fois du positionnement politique de ce journal, et du contexte politique qui libère de nouveau les paroles sexistes et masculinistes (que le Collectif Radi, Collectif radical des acteurices de la diversité et inclusion, dont je fais partie , analyse ici), cette une est représentative de la réaction misogyne au 8 Mars : assez parler des femmes, vous avez déjà bien progressé, maintenant pensons à nous les hommes qui ne pouvons plus importuner tranquille. Vous n’aurez pas notre visibilité en une des magazines, même pas aujourd’hui.

Le 8 mars n’est pas le jour de l’égalité Homme-Femme

J’ai déjà publié plusieurs articles et vidéos pédagogiques sur le vocabulaire autour du 8 mars qui démontrent pourquoi il est primordial de choisir les bons mots pour parler de cette journée.

Je vous fait cadeau d’un autre mème de Pépite sexiste :

Mème où on voit une scène de Friends où Phoebe essaie d'apprendre à Joey comment dire correctement Journée internationale des droits des femmes. A la fin, il échoue et dis : "fête de la femme"

Mais il y a une expression que je n’avais pas encore décortiqué, car elle me semblait très peu courante, voire désuète. Pourtant je l’ai lu hier en titre d’article sur France info : l’égalité hommes-femmes.

Article de France info intitulé : Egalité hommes-femmes : "Sans la loi, on ne peut pas faire évoluer la mixité", assure le directeur de l'Observatoire de la féminisation des entreprises

En recherchant les différentes formulations autour de l’égalité entre les femmes et les hommes, j’ai identifié 3 variables :

  • l’ordre des mots : égalité femmes-hommes ou hommes-femmes
  • le singulier ou le pluriel : égalité femmes-hommes ou femme-homme
  • une majuscule ou minuscule : égalité Femmes-Hommes ou femmes-hommes

Or, ces 3 variables ont chacune une importance quand on veut pratiquer un langage précis et inclusif.

  • l’ordre des mots est aussi appelé ordre de mention : et il n’est pas anodin. En général, c’est le mot le plus important qu’on place en premier quand on fait un doublet de mots (coucou Adam & Ève, mari et femme, et j’en passe). Dans une perspective féministe, placer le mot femmes avant le mot hommes a du sens puisque c’est pour nous les femmes que l’égalité est avant tout un enjeu.
    En langage inclusif, on recommande souvent de privilégier l’ordre alphabétique pour rester « neutre ».
    Pour une raison ou l’autre, on devrait donc mettre femmes avant hommes.
  • choisir le pluriel plutôt que le singulier est un autre choix délibéré : parce que le singulier, surtout associé à femme, comme dans La Femme, véhicule l’idée qu’il y aurait un modèle de femme, un idéal féminin. Or, comme le dit Eliane Viennot, utilisons plutôt « le pluriel pour parler des vrais gens » (j’avais fait cette vidéo pour parler du sens de tous les déterminants qu’on peut mettre devant le mot femme : la, une, ces. Regardez-là, elle n’a pas vieilli sur le fond même si la forme n’est pas top).
  • écrire le mot homme avec une majuscule dite majuscule de prestige est une convention inventée pour justifier l’idée qu’écrit de la sorte, Homme deviendrait un synonyme d’être humain. Je vous recommande de lire le court livre d’Eliane Viennot (oui, encore elle, mais je l’adore), En finir avec l’Homme, chronique d’une imposture (résumé ici), qui analyse cette particularité très franco-française de parler des droits de l’Homme là où presque tous les pays parlent de droits humains. C’est édifiant.
    Dans la perspective d’un langage inclusif, on évite donc la majuscule de prestige et on écrit tout en minuscule.

Conclusion, je recommande d’écrire égalité femmes-hommes, dans cet ordre, au pluriel et en minuscule.

L’égalité de genre pour dépasser la binarité femmes-hommes

Pour expliquer tout ça dans un format pédagogique, j’ai tourné une petite vidéo avec Mahaut, une jeune fille de 12 ans que je connais depuis sa naissance, 2 mois avant celle de mon fils Étienne.

J’ai voulu m’essayer à un format un peu différent de mon habituel (et avouons-le, un peu rébarbatif et ennuyeux) face-caméra.

Nous avons discuté et filmé, tout ça assez spontanément, Mahaut devant la caméra, Etienne derrière.

Et dans la discussion, Mahaut m’a d’elle-même demandé : « mais comment on fait pour les personnes non-binaires, gender fluid, trans ? » Mais quelle excellente question (et formulée avec un choix de vocabulaire qui m’a impressionné de précision) !

J’ai donc proposé à Mahaut une alternative : parler d’égalité de genre. Ainsi on inclut toutes les personnes où qu’elles se situent sur le spectre du genre, au-delà de la binarité femmes-hommes.

Aujourd’hui, le 8 mars reste un journée centrée autour des droits des femmes et on y emploie peu cette alternative.

Mais le 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes (appellation qui peut aussi se discuter), j’ai aussi vu émerger, notamment du côté d’associations féministes comme #NousToutes, un complément intéressant : journée internationale contre les violences faites au femmes et aux minorités de genre. Ce qui permet d’inclure les personnes cisgenres, comme les personnes trans, et toutes les identités de genre du spectre (femme, homme, non-binaire, agenre…).

A l’heure où les droits des personnes trans sont littéralement anéantis aux États-Unis, mettant leur vie en danger, il est critique de penser leur place dans toutes les luttes progressistes, féministes et anti-sexistes.

Le 8 mars, le 25 novembre, et tous les autres jours de l’année.

La vidéo récap de cet article est à voir et à partager sur Instagram et sur Linkedin.


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Pourquoi dire et ne pas dire

Publicités « pour tous » : une formulation pas si inclusive

Récemment, je me suis de nouveau intéressée aux recherches des internautes sur le langage inclusif. Parmi celles qui ont les plus gros volumes de requêtes : « bonjour à tous écriture inclusive », « tous en écriture inclusive », « tous inclusif », « tous et toutes écriture inclusive ».
Dans la liste des mots réputés difficiles en écriture inclusive, « tous » est au sommet, avec « nombreux » et « ceux ».

Cela démontre bien que les internautes ne s’y trompent pas : ce mot dont la signification même est censée être englobante (« tous » signifie « l’ensemble, la totalité sans distinction », au cas où vous vous posiez la question) n’est pas si englobant que ça.

Et il y a une expression en particulier qui cristallise ce paradoxe, une phrase qu’on voit très souvent en publicité : le fameux « pour tous ».

Petite histoire « pour tous »

À votre avis, de quand date la première occurrence de l’expression « pour tous » ? J’ai posé la question à mon IA préférée, et voilà ce que j’en retiens.

En gros, on peut définir 3 phases :

  • À l’Antiquité et au Moyen-Âge, l’idée de « pour tous » (même si ce n’est pas dans cette formulation) est utilisée principalement pour s’adresser à une communauté religieuse (toutes les personnes unies par une même foi).
  • À partir du 18e siècle, le « tous » devient politique, avec la notion des droits pour tous, dont un des textes fondateurs est la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » de 1789, qui commence par « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » et parlent de « tous les citoyens ». A ce stade, rappelons que quand on parle des hommes, on parle bien des êtres humains de genre masculin puisque les femmes (tout comme les esclaves et les enfants) sont exclues du périmètre de ce texte. « Tous les citoyens » sont donc bien « Tous les hommes citoyens ». L’universalité dépasse les classes sociales mais pas le genre ou les origines ethno-raciales.
  • Au 20e siècle, l’expression « pour tous » apparaît dans cette forme, pour revendiquer l’accès de « toutes les personnes » à « tous les droits » notamment sociaux, mais aussi, avec le développement de la société de consommation, des produits et des services.

À l’époque contemporaine, l’idée de « pour tous » est donc très liée à la notion d’accès du plus grand nombre à un service d’utilité publique ou à un produit de grande consommation.
Et la publicité en a fait un slogan omniprésent.

« Pour tous » : une rivière de pensée adorée par la pub

Je vous ai déjà parlé du concept de rivière de pensée, ces automatismes, notamment de langage, acquis à force de répétition, et dont on ne songe même plus à questionner la pertinence ou la précision.

Utiliser le masculin dit générique pour parler à tout le monde, c’est une rivière de pensée : elle n’est pas spécifique à la pub puisque tout le monde le fait, partant de cette idée que le masculin serait neutre. Mais la pub offre des exemples très concrets de cas dans lesquels ce masculin devient absurde, comme avec certains slogans ou publicités sur le lieu de vente (PLV).

Quand en communication on cherche à faire passer le message qu’un produit ou un service est accessible au plus grand nombre, brandir « pour tous » en étendard est donc une formulation très fréquente.

Voici deux exemples que j’ai pris en photo dans la rue et le métro parisien (et vous en trouverez beaucoup d’autres en recherchant « publicités pour tous » sur Google Images).

Ici, le « pour tous » est aussi bien utilisé pour parler de l’accès à la santé, fondamental, que de l’accès à la galette des rois, qui l’est moins.

Publicité pour un groupe de santé où on lit "La santé ne devrait ps faire débat. Groupe Vyv, pour une santé accessible à tous"
Publicité pour la marque de surgelés Picard où on lit "Galette pour tous".

D’ailleurs, même quand l’image représente exclusivement des femmes, comme ici cette publicité pour des cours de yoga, ils sont « pour tous ».
C’est étrange, absurde et d’autant plus frustrant qu’il y a une attention manifeste à représenter une certaine diversité de morphologies et de couleurs de peau.
Allez comprendre.

Publicité en ligne pour un cours de yoga : on voit un groupe de 4 femmes ave le slogan "Des cours de yoga pour tous"

Et l’expression pour « pour tous » a une cousine, une autre rivière de pensée publicitaire qui joue sur le même tableau : « à tous ceux qui ».

Qu’est-ce qui empêchait d’écrire dans l’image de gauche où on voit une femme (et encore une fois une femme racisée, preuve de l’attention à la diversité des profils représentés) : « Pour toutes celles qui… »
Réponse : rien. Et en plus, ça n’aurait pas coûter plus cher.

Attendez, vous pensez que les hommes se sentiraient moins concernés si c’était écrit au féminin ? Tiens donc.

2 panneaux publicitaires pour un service bancaire : à gauche on y voit une femme avec le slogan "à tous ceux qui n'ont pas de coup de pouce de mamie pour leur appartement"

Le problème avec « pour tous » : ne pas exclure n’est pas inclure

Quand on dit « santé pour tous », on ne cherche clairement pas à exclure les femmes : il est évident que dans la tête de l’agence qui a pensé cette campagne et de l’entreprise qui l’a validée, ce « tous » englobe tout le monde.

Mais que se passerait-il si on faisait l’effort d’utiliser une formule inclusive, comme par exemple « Toutes et tous » ?

Et bien d’un coup, on démonterait qu’on a une attention particulière à penser l’accès des hommes et des femmes au service ou au produit dont on parle. On fait exister le genre social féminin par l’attention au genre grammatical féminin, puisqu’on sait que l’utilisation du féminin dans la langue suscite des représentations mentales féminines.

Parce que comme je le dis dans cette vidéo qui explique comment répondre à une femme qui ne se sent pas exclue par l’utilisation du masculin dit générique : il y une différence entre ne pas se sentir exclue et se sentir incluse.

De même qu’il y a une différence entre être invité·e à une fête et être invité·e à danser, cette fameuse analogie qui explique la différence entre la diversité et l’inclusion (qui, d’ailleurs peut elle-même être discutée). La première est un état de fait (la représentation ou non de profils divers), la deuxième un comportement (un engagement pro-actif pour créer les conditions où chaque personne se sente bienvenue et à sa place).

Quand on est une marque, utiliser un langage inclusif, et donc des formules d’écriture inclusive comme « pour toutes et tous », est une manière concrète de signaler qu’on a pensé la question du genre, qu’on a pensé aux femmes.

Et moi, j’aime mieux les marques qui me montrent qu’elle pensent à moi. Je ne suis d’ailleurs pas une exception puisque qu’on a démontré que les femmes se sentent plus concernées par les publicités écrites au féminin.

Utiliser une formulation inclusive permet donc d’aligner l’intention (englober toute le monde) avec l’impact (que tout le monde se sente concerné).

Je prenais l’exemple de la « galette pour tous » de Picard plus haut. Figurez-vous que j’ai noté avec joie que la campagne de cette année a fait la part belle à une formulation inclusive (avec un chouette accord de proximité de « tous » avec « rois » qui évite de répéter « tous rois et toutes reines », bien joué Picard).

Affiche pour la marque Picard où on lit "Tous rois et reines"

Quelles alternatives à « tous » en inclusif ?

Il y a différentes façons de rendre ce « tous » plus inclusif, en suivant les 3 conventions du langage inclusif .

Il est intéressant de constater qu’en publicité, les marques et organisations utilisent une variété de méthodes.

Remplacer « tous » par « toutes et tous »

La Mairie de Paris, toujours première sur le langage inclusif, avec un joli « mariage pour tous et toutes » à l’occasion du Mois des fiertés.

Affiche de la Mairie de Paris où onn lit "Mariage pour tous et toutes", déjà 10 ans d'amour

Utiliser la ponctuation

Quand une marque du groupe L’Oréal, Nyx, lance tout une campagne en 4*3 dans le métro, elle n’y va pas avec le dos de la cuillère et parle de « maquillage accessible à tous.tes ». Très aligné avec le positionnement gender fluid de la marque, évidemment.

Affiche pour la marque de cosmétique Nyx où on voit le slogan "maquillage accessible à tous.tes"

Créer des néologismes

Il est quand même bien pratique ce « toustes », non ?
Et pour toutes celles et ceux (hihi je me fais rire) qui trouvent l’écriture inclusive illisible, osez me regarder dans les yeux et me dire que dans ce contexte vous ne comprenez pas sa signification.
Si vous le faites, vous êtes de mauvaise foi.

Affiche pour le théâtre Comédie des 3 bornes où on lit "Bienvenue à toustes"

Que ce soit pour prôner l’accessibilité financière d’un service ou d’un produit ou pour témoigner qu’on s’adresse à une audience infinie, penser à écrire « tous » en inclusif me paraît être la base d’une communication inclusive.

Avec une formulation consensuelles (comme toutes et tous) ou plus audacieuse, comme la ponctuation ou les néologismes, sortir de la logique du masculin dit générique « pour tous » témoigne qu’on pense la place des femmes dans sa cible marketing. Et quand on sait que les femmes se sentent plus concernées par les publicités qui s’adressent à elles au féminin, ça n’est plus une question de justice sociale mais d’efficacité publicitaire.

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Pourquoi dire et ne pas dire

Féminin des noms de métiers : qu’est-ce qui bloque ?

J’ai plein d’anecdotes à raconter autour de la féminisation des noms de métier, c’est-à-dire le fait d’employer un nom de métier au féminin quand on parle d’une femme (dire autrice, cheffe, directrice, commandante…). Parmi ces anecdotes, une avocate affirmant que « dans son métier, c’était impossible » ; des associations de femmes qui préfèrent utiliser le faux féminin « entrepreneure » plutôt que « entrepreneuse » ; une femme défenseuse du langage inclusif mais refusant d’utiliser le mot mairesse pour parler d’elle et j’en passe.

Entendons-nous bien : ces femmes ne font pas ce choix parce qu’elles sont ignorantes ou forcément ultra conservatrices. Il serait malhonnête et désobligeant d’affirmer cela. Parfois d’ailleurs, ce n’est pas tant un choix qu’un automatisme, une habitude jamais vraiment questionnée.

Pourtant, pour qui connait le pouvoir et l’impact potentiel du langage inclusif, choisir en conscience d’adopter un nom de métier au féminin quand on est une femme peut être extrêmement puissant, pour soi, pour son entourage et pour la société dans son ensemble. Et en ce mois de janvier 2025, j’avais envie d’encourager cette conversation et, pourquoi pas, d’inspirer quelques femmes à réfléchir à une seule et unique résolution, facile à tenir et à l’impact démontré : féminiser son nom de métier.

Petit retour historique sur les noms de métiers

Je ne vais pas vous faire un récapitulatif de la longue histoire des noms de métiers, d’autres ont fait ça avant moi, et très bien, comme Eliane Viennot dont l’ouvrage Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! a fait date à ce sujet. Vous pouvez d’ailleurs la découvrir en podcast, c’est toujours un super moment de l’écouter parler.

Mais il y a quand même quelques repères que vous devez avoir en tête :

  • les noms de métiers ont été les premières victimes de la vague de masculinisation de la langue française, déclenchée par l’Académie Française au 17e siècle. Les mots qui désignaient jusqu’alors au féminin des métiers prestigieux sont rayés du dictionnaire et peu à peu perdus par l’usage. Le mot « autrice » est en l’emblème le plus connu et a depuis fait l’objet de nombreuses recherches visant à le réhabiliter (comme le livre d’Aurore Evain, Histoire d’autrice de l’époque latine à nos jours).
  • en France, c’est dans les années 1980, avec l’arrivée au pouvoir de femmes en politique, que la question de la féminisation des noms de métiers revient sur le devant de la scène : les premiers guides de féminisation paraissent, comme le fameux Femme, j’écris ton nom (accessible gratuitement ici), né des travaux de la commission lancée en 1984 par Yvette Roudy, alors Ministre des droits des femmes. Commence aussi la querelle des noms de métiers, très bien racontée par Bernard Cerquiglini dans Le ministre est enceinte, porté notamment par le farouche refus de l’Académie Française.
  • Aujourd’hui, la féminisation (ou même la reféminisation comme le dit Eliane Viennot) est considérée comme la base du langage inclusif en français, et les usages ont largement suivi : Elisabeth Borne n’a jamais été appelée « Madame le Premier Ministre » au moment de son arrivée à Matignon et le mot « autrice » ne choque plus tant l’oreille. Un petit tour sur Google Trends nous démontre même que depuis le début des années 2020, les recherches pour les mots « autrice » et « entrepreneuse » ont dépassé celles pour « auteure » ou « entrepreneure », des faux-féminins importés du Québec dans les années 70.
Graphique issu de Google Trends montrant les évolutions de recherches des 5 dernières années pour les mots auteure, autrice, entrepreneure et entrepreneuse.

La féminisation des noms de métier, un consensus mou.

D’ailleurs, la féminisation des noms de métiers est la plus consensuelle des 3 grandes conventions du langage inclusif quand il s’agit de rendre visibles les femmes dans la langue : un sondage mené par Google et Mots-Clés en 2021 a montré que 65% des internautes en France y étaient favorables, alors que les termes englobants ou non genrés sont acceptés à 56%, et le point médian à seulement 39%.

Graphique montrant le pourcentage de personnes favorables à la féminisation des noms de métier

Mais ce sondage révèle aussi que 21% des internautes expriment un avis défavorable. La favorabilité n’est donc pas écrasante et le consensus peut être qualifié de mou.

Plusieurs phénomènes illustrent d’ailleurs que la féminisation des noms de métiers, qui traduit la féminisation des métiers eux-mêmes, notamment les plus prestigieux, ne va pas encore de soi à l’échelle de la société. Par exemple :

  • les courriers des administrations ou services destinés à « Monsieur le Dirigeant » par défaut (on en reparlera, j’en ai quelques exemples déchirés dans un tiroir pour un prochain article)
  • des femmes au noms de métiers mal genré dans les médias, comme cet exemple édifiant d’une vidéo de France Inter où Laure Adler (féministe s’il en est !) est désignée comme « historienne, écrivain et journaliste ». Mais écrivaine, non.
Capture d'écran d'une vidéo de France Inter sur Instagram où on voit Laura Adler interviewée, avec le titre "Historienne, écrivain et journaliste"

  • des femmes qui elles-mêmes choisissent de conserver un nom de métier au masculin.

Et c’est sur ce dernier sujet que le blocage me paraît le plus étrange et que j’ai voulu investiguer.

Les raisons de la non féminisation choisie des noms de métiers

Cette année, j’ai rencontré Cécile Leprince alors qu’elle dirige une agence de pub spécialisée dans les réseaux sociaux. Plutôt sceptique au départ sur la question du langage inclusif, nous nous rencontrons par une connaissance commune. Nous échangeons sur mon approche du langage inclusif au delà de l’écriture inclusive, mes convictions sur son pouvoir dans le monde de la pub (ce que je développe dans mon ebook, en gros) et les engagements de Cécile dans une association de soutien à des femmes victimes de violences. Dans le cadre d’une conversation ouverte et bienveillante, Cécile écoute, pose des questions et progressivement commence à voir l’intérêt du sujet que je porte. L’envie d’aller plus loin est née. Et dans les dernières minutes de la conversation, Cécile me partage que sur LinkedIn, son titre est « Directeur Général ». Elle n’a pas choisi de féminiser son nom de métier.

Et Cécile n’est pas la seule femme qui occupe un poste de direction, qui est engagée en faveur des droits des femmes, et qui pourtant choisit délibérément de ne pas féminiser son nom de métier. Pourquoi ?

J’ai interrogé Cécile mais aussi mon réseau sur LinkedIn : qu’est-ce qui fait qu’une femme préfère se faire appeler président, avocat ou directeur ?

Les raisons sont différentes pour chaque femme, parfois elles se cumulent, parfois ce sont aussi des biais inconscients qui sont à l’oeuvre.

Voici une liste, certainement non exhaustive et non classée, des raisons invoquées :

  • s’affirmer comme l’égal d’un homme : « C’était une posture revendicatrice. A une époque où madame la préfète était la femme du préfet, madame la pharmacienne la femme du pharmacien, il s’agissait de s’imposer avec un titre acquis par les études et par le travail et non par le mariage. »
  • revendiquer les mêmes prestige et autorité associés à la fonction : « Feu ma maman était magistrate et elle ne voulait pas qu’on l’appelle Madame la juge ou la présidente, mais Madame LE juge ou LE président. Elle me disait que c’était parce que le titre au masculin incarnait la véritable fonction et son prestige et que le féminiser aurait été comme déformer son parcours et son autorité »
  • des institutions professionnelles qui font barrage et des pratiques métiers très conservatrices : c’est notamment le cas dans le domaine du droit (on pourrait écrire toute un article sur le nom de métier d’avocate) où certains cabinets ou barreaux découragent voire interdisent de féminiser son nom de métier.
  • la distinction entre le titre et la personne (un peu à la manière de l’artiste et l’oeuvre) : « je suis avocat avant d’être une femme » (on pourrait qualifier cela d’approche gender blind, c’état à dire qui refuse de voir le genre comme un critère de différence). « Celles qui préféraient s’identifier comme entrepreneur “neutre” ou entrepreneure disaient qu’elles ne voulaient pas se différencier par leur sexe, voulaient juste être “entrepreneur” tout simplement (sans le côté femme, féminin), et être prises aux sérieux »
  • quand le nom de métier est un féminin conjugal (le métier au féminin désigne « la femme de ») ou entaché (il a une connotation péjorative, comme entraineuse ou maîtresse), comme dans l’anecdote de la mairesse.
  • quand le nom de métier au féminin est très peu usité ou choque l’oreille (argument esthétique) : « J’ai mis du temps mais depuis 3 ans maintenant je dis agente (avant je ne trouvais pas ça beau mais maintenant mon oreille est choquée quand j’entends agent pour une femme, comme quoi on s’habitue 🙂 »
  • l’absence d’intérêt pour ce sujet ou sa dépriorisation par rapport à des sujets sujets plus importants : « moi je voulais combattre le sexisme ordinaire au travail. Le nom de métier au féminin, c’était une paillette qui allait faire plaisir aux féministes mais pas faire avancer concrètement les sujets qui nous bloquent au quotidien, comme l’égalité des salaires »
  • ne pas se fermer d’opportunités professionnelles : « Un prof de com’ conseillait aux traductrices de mettre « traducteur », aux rédactrices « rédacteur », etc…. pour être plus facilement trouvables par de potentiels clients qui les chercheraient sur des réseaux professionnels et Internet…Quand les gens cherchent un free-lance, ils le cherchent généralement au masculin !« 
  • la croyance dans la valeur neutre du masculin : « pour moi, le masculin c’est le neutre, alors garder le nom de métier au masculin, c’est neutre, comme en anglais. »

Compiler cette liste, c’est encore une fois réaliser la charge mentale qui pèse sur les femmes quand on parle d’une chose aussi simple que de choisir comment parler de son métier.

C’est aussi reconnaître l’influence générationnelle : la posture des femmes qui se sont battues pour leur droits depuis les années 70 et qui aujourd’hui revendiquent le masculin comme une victoire, obtenue de haute lutte, est tellement compréhensible.

Cela rappelle la nécessaire bienveillance que nous devons avoir entre nous, femmes : réservons notre jugement avant de critiquer une femme qui ne féminiserait pas son métier car nous ne savons pas ce qui la motive. Derrière chacune de ses raisons, qui peuvent être argumentées dans un sens et dans un autre, il y a des émotions qui sont toutes valides. Au coeur de ses émotions : la peur de ne pas être perçue à sa juste valeur dans le monde professionnel.

Pourquoi féminiser son nom de métier, alors ?

Mais pour la femme féministe de 43 ans que je suis, féminiser son nom de métier, ce n’est pas une lubie. C’est un choix conscient motivé par une raison précise : changer les représentations, pour ma génération et les générations futures.

Les études scientifiques ont démontré que les petites filles se projettent plus dans des métiers quand ils sont décrits au masculin et au féminin, déconstruisant depuis 50 ans cette idée que le masculin ferait le neutre.

Nous avons pu l’étudier chez les adolescent·es de 12 à 18 ans. L’impact du langage est primordial à un âge où l’on se construit, en particulier pour l’orientation professionnelle. Alors que les garçons n’ont aucun problème à s’imaginer travailler dans n’importe quels domaines, y compris ceux où les femmes sont majoritaires (santé…), les filles se sentent plus exclues lorsque les formations sont présentées uniquement au masculin (ingénieur, chirurgien…). Un changement s’opère dès qu’on met en valeur les deux genres. C’est donc un outil indispensable aussi bien pour les jeunes que pour les entreprises afin de diversifier les possibilités de formations et de stages.

Interview de Pascal Gygax, chercheur en psycholinguistique dans Télérama, “L’écriture inclusive fait diminuer nos stéréotypes discriminatoires”


On parle sans cesse du besoin d’avoir des role models féminins pour inspirer les petites filles en leur offrant l’image accessible d’un métier souvent représenté au masculin. Comment être ce role model si on n’assume pas un nom de métier dont le genre grammatical s’accorde avec notre identité de genre ?

C’est l’argument qui a convaincu Cécile de mettre à jour son profil LinkedIn : elle y est désormais « directrice générale ». « Si je vais au collège de ma fille et que je me présente comme directeur, quelle image est-ce que ça renvoit de ce métier ? »

Cela résonne avec cette anecdote partagée sous mon post Linkedin :

C’est marrant, j’ai une anecdote de ma nièce, qui à l’époque avait 10 ans.
Contente de nous accueillir chez elle et d’avoir préparé notre chambre, elle nous explique qu’elle est la directrice de « l’hôtel » qui nous accueille. Elle voudrait qu’on l’appelle « madame le directeur ». Je lui demande alors pourquoi pas « madame la directrice »? Et elle me répond naturellement « eh bien madame, parce que je suis une fille, et le directeur parce que ça gagne plus d’argent ! ».

Changer les représentations, c’est aussi revendiquer et diffuser les noms de métiers au féminin pour que les petites filles l’associent autant que le masculin avec le prestige, l’autorité…et l’argent.

Féminiser les noms de métiers complètement, en utilisant les formes féminines naturelles du français (comme agente, entrepreneuse ou autrice), c’est répandre l’usage, créer de nouvelles habitudes, utiliser des formes où le féminin s’entend, ne reste pas le discret e muet qui se fait oublier. Et en passant, respecter les règles d’accord basique de la langue française.

Enfin, se réapproprier les féminins entachés comme entraineuse ou maîtresse, c’est retourner le stigmate, c’est faire évoluer les stéréotypes en ancrant dans l’usage des connotations positives et valorisantes du féminin.

Cette investigation m’a donc permise de mieux comprendre les raisons qui poussent les femmes à choisir délibérément de ne pas féminiser leur nom de métier.
Je ne les juge pas parce que toutes les raisons qu’elles invoquent sont valides. Cela étant dit, elles démontrent qu’encore une fois que le langage est un lieu de lutte féministe, comme le dit Julie Abbou. Et dans un contexte où il est facile de se sentir dépossédée des moyens de se battre pour la justice sociale et l’égalité femmes-hommes, un geste aussi simple que féminiser son nom de métier peut paraître un petit pas pour une femme mais c’est en réalité un grand pas pour l’humanité.

Bonus : un article et une vidéo à partager

Vous connaissez une femme qui ne féminise pas son nom de métier ? Partagez-lui le lien de cet article ou bien la vidéo de 3 minutes qui le résume sur Instagram ou LinkedIn !

Capture d'écran d'un post Instagram de re·wor·l·ding
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Le langage inclusif pour les nul·les

Se former à l’écriture inclusive : pourquoi et comment ?

Se former à l’écriture inclusive est une manière très concrète de s’engager pour l’égalité femmes-hommes. Mais même si on parle de plus en plus d’écriture inclusive dans les médias, il n’est pas toujours facile de se faire un avis informé, tant les polémiques sont parfois vives. Se former pour mieux comprendre ce qu’est vraiment l’écriture inclusive et passer à l’action est donc une excellente idée. Sauf que l’écriture inclusive n’est que la partie immergée de l’iceberg. Explications.

C’est quoi l’écriture inclusive, déjà ?

L’expression “écriture inclusive” est la plus utilisée en France pour désigner les méthodes qui permettent de rendre plus visibles les femmes dans la langue. Mais ça veut dire quoi au juste ?

Rendre les femmes visibles dans la langue pour les rendre visibles dans la société

A la racine de la pratique de l’écriture inclusive, il y a un concept très important à comprendre : le masculin générique. C’est l’idée que le genre grammatical masculin peut servir à désigner des groupes mixtes, composés d’hommes et de femmes, parce que le genre masculin pourrait être utilisé de manière neutre. Concrètement, quand on dit que “les étudiants se sont mis en grève”, on devrait comprendre que “les étudiants” ne sont pas uniquement des hommes mais peuvent aussi être des femmes du fait de la valeur générique qu’aurait le masculin.

Mais cela pose un problème : notre cerveau a tendance à associer ces masculins censés être génériques dans la langue à des représentations mentales masculines, de manière tout à fait inconsciente. Par exemple, si je vous dis : “les musiciens sont sortis de scène”, vous allez plus facilement penser à un groupe comme les Beatles, composé de 4 hommes, qu’à Abba, un groupe mixte.

Le lien entre genre grammatical dans la langue et représentations mentales a été démontré par 50 années d’études scientifiques qui sont toutes unanimes : vous pouvez par exemple regarder cette vidéo de Scilabus qui en apportent les preuves scientifiques ou lire l’excellent livre de vulgarisation “Le cerveau pense-t-il au masculin ?” pour vous en convaincre.

Or, l’utilisation du masculin dit générique (puisqu’il ne l’est pas vraiment) a des conséquences très concrètes : par exemple, les petites filles se projettent moins dans des métiers s’ils sont toujours décrits au masculin. Et les femmes postulent moins à des offres d’emploi si elles commencent par : “Cherche directeur”, ou “rédacteur” ou “développeur”.

L’écriture inclusive, ça ressemble à quoi ?

L’écriture inclusive va donc viser à éviter d’utiliser ce masculin dit générique pour susciter des représentations mentales plus équilibrées entre femmes et hommes.

Vous vous demandez sans doute : quelles sont les règles de l’écriture inclusive ? Plutôt que de règles, on préfère parler de conventions, car ce sont des pratiques qui évoluent (et on a suffisamment de règles compliquées en français pour ne pas avoir besoin de s’en rajouter ; accord du COD avec l’auxiliaire avoir quand il est placé avant le verbe, c’est à toi que je pense).

En gros, il y a 3 conventions très simples à retenir :

  • féminiser les noms de métiers (dire d’une femme qu’elle est directrice, autrice, entrepreneuse)
  • éviter les termes totalisants, comme l’Homme pour parler de l’humanité
  • remplacer le masculin dit générique quand on parle de groupes mixtes en utilisant diverses méthodes : la ponctuation (comme le point médian), les termes englobants ou épicènes (le personnel soignant, le corps médical…), les doublets (énumération du masculin et du féminin comme dans “Françaises, Français”), les reformulations…
3 exemples d'écritures inclusives vues sur des publicités : les doublets ("tous rois et reines" sur une publicité pour Picard), termes englobants ("on recrute plus de 4000 talents" à la RATP) et ponctuation ("jamais seul•e, toujours accompagné•e chez Über).
3 exemples d’écriture inclusive vus sur des publicités

Le problème, c’est que si vous avez envie de vous exprimer en inclusif pour renforcer l’égalité femmes-hommes, ces conventions peuvent créer de la confusion. C’est la que la formation vient à votre secours.

Formation à l’écriture inclusive : mais pour quoi faire ?

Il y a une chose que j’aime bien dire quand je parle de français inclusif : en réalité, vous n’avez rien à apprendre car vous maîtrisez déjà toutes les conventions citées ci-dessus. En revanche, vous avez des automatismes à désapprendre. Et c’est à ça que sert la formation.

Se former à l’écriture inclusive pour dépasser sa peur

Quand j’ai interrogé les 300 premières personnes que j’ai formées à l’écriture inclusive, j’ai réalisé une chose : ce qui empêche les personnes de pratiquer l’écriture inclusive, c’est avant tout la peur. La peur de mal faire, de mal dire, de passer pour une personne très politisée, notamment dans le milieu professionnel. Or pour dépasser cette peur, on a besoin d’un ingrédient simple : la confiance. Et ce qui donne confiance, c’est la compétence. Se former à l’écriture inclusive, c’est prendre le temps de pratiquer, de pratiquer, et de pratiquer encore pour se donner confiance dans sa manière de faire en consolidant ses compétences.

En recevant des retours bienveillants et constructifs de la part d’une personne experte, on apprend à prendre confiance dans sa capacité à écrire des textes en inclusif, fluides et agréables à lire, et sans ce sempiternel masculin dit générique.

Se former à l’écriture inclusive pour ancrer une pratique pérenne

Un des principaux pièges dans lequel tombent les personnes qui ont envie de pratiquer un français inclusif, c’est “le tout point médian” : comme c’est l’outil le plus connu (mais aussi le plus controversé) de l’écriture inclusive, il est vu comme le plus facile à utiliser et on le met un peu partout. Quitte à créer des textes qui peuvent devenir difficilement lisibles, et surtout qui risquent de créer de la résistance chez la personne qui les lit.

Or on peut écrire des textes de centaines de pages parfaitement inclusives sans jamais utiliser un seul point médian (comme l’article que vous êtes en train de lire) : se former à l’écriture inclusive permet de mieux connaître toute la palette des outils à sa disposition, de les utiliser tous en fonction des contextes de rédaction (un email, un texte de présentation d’offre, une invitation à un événement…), des audiences à qui on s’adresse, des contraintes de place…

Au final se former à l’écriture inclusive c’est l’opportunité d’explorer tous ces outils pour trouver ceux qui nous conviennent le mieux et se donner les moyens d’avoir une pratique qui dure dans le temps.

Se former à l’écriture inclusive pour savoir convaincre

L’écriture inclusive fait débat, en France encore plus qu’ailleurs. Parfois, les personnes convaincues renoncent à utiliser l’écriture inclusive parce qu’elles ont peur de ne pas savoir comment répondre aux arguments qu’on entend souvent :

  • “L’écriture inclusive, c’est interdit !”
  • “L’Académie française est contre l’écriture inclusive.”
  • “L’écriture inclusive est illisible pour les personnes dyslexiques.”

On peut répondre à chacun de ces arguments mais encore faut-il savoir comment. Lors d’une formation à l’écriture inclusive, on en apprend plus sur l’histoire de la langue française et sur la manière dont fonctionne notre cerveau. On s’entraîne à répondre à ces arguments, dans un cadre professionnel notamment, pour se sentir à l’aise face à des collègues, des partenaires, sa clientèle, en gros toute personne qui pourrait être réfractaire.

Se former à l’écriture inclusive, c’est bien. Se former au langage inclusif, c’est mieux.

Parce qu’on a pas besoin d’une formation pour apprendre à utiliser (ou pas) les points médians.

L’écriture inclusive : l’arbre qui cache la forêt.

A titre personnel, je n’emploie presque jamais l’expression “écriture inclusive” pour 3 raisons principales :

  • elle se focalise sur l’écrit, alors que s’exprimer en inclusif est important à l’écrit comme à l’oral
  • c’est une expression très clivante : tout le monde a un avis, souvent négatif, sans vraiment connaître les enjeux. Dès qu’on parle d’écriture inclusive, les gens se braquent et il devient difficile d’avoir une conversation constructive, d’autant que l’écriture inclusive est très associée au point médian, l’outil le plus polémique.
  • l’écriture inclusive se focalise sur la question du genre et de la visibilisation des femmes, alors qu’il y a d’autres personnes historiquement discriminées auxquelles on devrait aussi s’intéresser. Par exemple, comment choisir le bon vocabulaire pour parler des handicaps, des origines ethno-raciales ou encore des identités de genre.

Donc même si aujourd’hui l’écriture inclusive est l’expression la plus utilisée en France (comme en témoigne les recherches des internautes sur Google), elle ne désigne qu’une partie des efforts qu’il faut faire pour s’exprimer de manière plus inclusive.

La solution : se former au langage inclusif

Vous l’aurez compris, je ne parle pas d’écriture inclusive, ni d’ailleurs de rédaction épicène ou non sexiste, autres expressions qui sont aussi parfois utilisées. Je parle de langage inclusif.

Voici ma définition du langage inclusif, telle que je la développe dans mon ebook gratuit Le langage inclusif : ce levier auquel vous n’aviez pas pensé pour une com plus juste, plus créative et plus efficace : le langage inclusif consiste à prêter une attention particulière, à l’écrit comme à l’oral, aux mots qui désignent des personnes, en choisissant des tournures de phrases, un vocabulaire et des images qui ne perpétuent pas de stéréotypes et représentent équitablement les personnes discriminées.

Visuel de la couverture du ebook gratuit sur le langage inclusif

Se former au langage inclusif, c’est donc non seulement penser la question du genre dans la langue à travers une approche grammaticale, mais aussi s’interroger sur les métaphores qu’on emploie ou encore les stéréotypes véhiculées par nos messages.

Si vous avez envie de vous former au langage inclusif, je propose un parcours de formation en 3 modules, à organiser dans votre entreprise ou en formation collective, qui permettent de :

  • maîtriser les outils
  • identifier et lever les freins à la pratique
  • ancrer une pratique

Toutes les informations sur la formation au langage inclusif de re·wor·l·ding sont ici : objectifs pédagogiques, déroulé, possibilité de financement, et bien sûr des témoignages de personnes formées !

Vouloir se former à l’écriture inclusive est donc une super idée : mais ce n’est qu’une partie du problème qu’on cherche à résoudre ! Quitte à passer du temps à s’interroger sur le langage, le vocabulaire et sa manière de s’exprimer, autant se former au langage inclusif. On en parle ? Rendez-vous ici pour programmer un premier échange pour mieux comprendre vos besoins et vous proposer la solution la plus adaptée !

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Est-ce que ce monde est sérieux ? Le langage inclusif pour les nul·les

La peur ou la joie : les émotions contradictoires du langage inclusif

« En 2025, choisirez-vous la peur ou la joie ? » C’est avec cette question que j’ai lancé il y a quelques semaines un post LinkedIn qui a suscité de nombreuses réactions et republications.
Le point de départ de ce post, c’était la collusion entre la couverture du nouveau livre de l’Académie Française N’ayons pas peur de parler français et celle du dernier numéro du Nouvel Obs sur Le pouvoir de la joie illustrée par un portrait souriant de Thomas Jolly.

La mise en miroir de ces deux images est pour moi absolument symptomatique du grand paradoxe des émotions qui sont mises en jeu quand on évoque le langage inclusif. Il fallait donc un peu plus d’un post pour vous en parler.

Côte face : la peur de mal dire

La peur est une émotion très puissante pour empêcher l’action. Et quand on parle de langage inclusif, la peur est aussi bien instrumentalisée par les opposant·es à cette pratique qu’elle est ressentie comme un frein par celles et ceux qui aimeraient bien s’y mettre.

Du côté des personnes ou institutions qui ne veulent pas entendre parler de langage inclusif, au premier rang desquelles l’Académie française, utiliser la rhétorique de la peur sert de repoussoir.

Couverture du livre "N'ayons pas peur de parler français" avec un bandeau rouge : Académie française : le rapport qui alerte"



Le livre présenté ici est est la version longue d’un rapport qui « alerte » sur les dérives de l’utilisation excessive de l’anglais dans le quotidien des personnes francophones et les administrations, et qui « mettrait en péril », comme le langage inclusif, la langue française. Outre le fait que Le français va très bien, merci, et que les apports du franglais ne sont en aucun cas dangereux pour sa pratique, au contraire (voir, sur ce point, les arguments des linguistes qui étudient le sujet avec une approche scientifique, pas démagogique), le titre du livre est présenté sous la forme d’une injonction : ne pas avoir peur de parler français.

Mais il faut se poser la question suivante pour comprendre toute la perfidie (oui, je suis fâchée fâchée) de l’Académie française : aujourd’hui, qui a peur de parler français ?

Qui a peur de prendre la parole par crainte d’être jugé·e sur son expression, son élocution, son accent « non parisien » ou « étranger » (whatever that means, en bon anglais) ?

Qui a peur de faire une erreur de conjugaison, d’orthographe ou de vocabulaire, et par conséquent ne s’exprime pas dans l’espace public ou privé, ou subit une discrimination dans les processus de recrutement ?

Pas les personnes qui maîtrisent sur le bout des doigts les subtilités les illogismes de la langue française (à faire pleurer d’un rire jaune (expression dont l’étymologie n’est pas du tout celle que je pensais (oui je vais me mettre à faire plein de parenthèses comme Philippe Jaenada (lisez ses livres)))) et défendent sa pureté. Mais celles et ceux qui subissent la glottophobie, c’est-à-dire une discrimination basée sur sa pratique de la langue. En vrac, les personnes étrangères qui vivent en France, les personnes qui vivent dans des milieux éloignés de la culture légitime (celle considérée comme telle par les élites intellectuelles : la musique classique mais pas Aya Nakamura, en gros), les personnes qui ont des difficultés d’apprentissage.

Mais la peur ne s’arrête pas là.

Qui a peur de se faire renvoyer dans les brancards pour avoir utilisé un langage inclusif (par exemple, avec un point médian) et précis (par exemple, en parlant de « personnes racisées ») ?

Réponse : beaucoup de gens. C’est ce que j’avais déjà conclu il y a plusieurs années après avoir interrogé les 300 premières personnes que j’ai sensibilisées au langage inclusif chez Google et mené une analyse détaillée de leurs réponses.
Ce qu’il faut en retenir, c’est qu’un des freins les plus puissants à la pratique d’un langage inclusif, c’est cette peur. La peur de choisir un mauvais mot, de créer un débat sur un sujet dont on ne maîtrise pas toutes les subtilités, la peur de recevoir des plaintes de sa clientèle ou de sa hiérarchie, la peur de passer pour la féministe de service… La liste des peurs est longue.

Cette peur, nourrie par des institutions comme l’Académie française, extrêmement influente (et extrêmement rétrograde comme le démontre la plus récente polémique sur son dernier dictionnaire), est le moteur de l’insécurité linguistique, un concept de sociolinguistique qui réunit les sentiments d’anxiété, de gêne ou de manque de confiance d’une personne concernant son usage d’une langue (Wikipedia).

Si vous ne vous sentez pas en sécurité dans un endroit, vous n’y restez pas. Si vous ne vous sentez pas en sécurité pour parler en inclusif, vous vous abstenez.

Pourtant, face à cette peur, il y a une autre option : la joie.

Côté pile : la joie d’expérimenter

La première fois que j’ai pensé à la joie comme émotion liée au langage inclusif, c’est en lisant l’ouvrage de Julie Abbou, Tenir sa langue. Le langage, lieu de lutte féministe. Elle y parle notamment de sa préférence pour des pratiques féministes du langage (car elle n’utilise pas l’expression de langage inclusif) diverses, et pas nécessairement homogénéisées par des guides ou des conventions qui enferment. On peut discuter de cette position (car si les conventions enferment, par certains aspects elles rassurent), mais quel que soit son avis, on peut s’inspirer de sa vision joyeuse d’une langue qui rend visibles les femmes.

Et puis, en revenir à la joie. Il y a quelque chose de jubilatoire à trafiquer le langage. Une profonde dimension ludique à le faire sonner autrement, à créer des formes étranges. Une excitation langagière à éclabousser la grammaire et malaxer la déconnexion entre écrit et son, à rythmer autrement, briser la linéarité.
Il y a une dimension politique à retrouver la joie de parler, de pouvoir énoncer le monde, et à mettre le langage sens dessus dessous, sans ranger si on n’en a pas envie. Une joie à pouvoir parler mais aussi à échapper aux impératifs de lisibilité.

Julie Abbou, Tenir sa langue

Oui il y a de la joie dans la créativité : celle des expérimentations grammaticales, comme celles d’Alpheratz qui promeut une grammaire neutre du français, les expérimentations artistiques de Typhaine D et de sa féminine universelle, les expérimentations graphiques des typographies inclusives, comme celles de Bye Bye Binary.

Quand je vois cette affiche, je suis surprise, un peu interloquée aussi, mais ça me met surtout en joie.

Affiche pour une conférence sur le langage inclusif écrite dans une typographie inclusive.



Prenons ces expérimentations pour ce qu’elles sont : des provocations qui nous poussent à cultiver notre esprit critique et nous mettre en mouvement vers une langue plus inclusive. Et attention aux discours qui transforment ces expérimentations en informations sensationnalistes pour faire passer des exceptions pour des injonctions.

Oui le langage inclusif peut clairement être perçu comme une contrainte, notamment dans la communication des entreprises : mais je le vois comme une contrainte joyeuse qui nous pousse à nous poser des questions de fond et à sortir de nos rivières de pensées créatives pour créer quelque chose de nouveau, de différent et de positif.

Comme je l’ai dit sur le plateau de C-News l’année dernière face à deux personnes farouchement opposées au langage inclusif (et à qui j’ai paru, sans nul doute, fort ridicule) : créer des nouveaux mots, « c’est chouette ».

Et si le français restait une langue vivante, innovante et joyeuse plutôt qu’un carcan plein de poussière qui nous fait peur ?

Et si parler un langage inclusif nous aidait à nous réapproprier le français (qui est à nous, comme disent Maria Candea et Laélia Véron) pour en faire la langue d’une société plus ouverte ?

Et si parler en inclusif était un kiff plutôt qu’un poids ?

Attention, prévenance, considération : l’intelligence émotionnelle au service du langage inclusif

Evidemment, les émotions suscitées par le langage inclusif sont plus complexes et nuancées que peur/joie.

J’ai été rappelée par un post LinkedIn de Johanna Lemler cette semaine de la roue des émotions, qui permet de diversifier son vocabulaire et de mieux nommer ce qu’on ressent. Quand je la regarde, je pense qu’il y a plein de ces émotions que je ressens régulièrement quand j’écris ou lis de l’inclusif, ou justement quand je n’en lis pas.

est un graphique en forme de cercle représentant 6 émotions primaire (gêne, peur, triste, dégoût, seul, colère) et les émotions associées.

Ressentir des émotions, être capable de les nommer chez soi et les percevoir chez les autres, c’est en partie ce qu’on appelle l’intelligence émotionnelle.

Et ce que j’ai appris en 4 ans de pratique exclusive d’un français inclusif, c’est qu’il en faut une sacrée dose quand on pratique un langage inclusif car les mots que l’on emploie ont le pouvoir de heurter négativement ou de toucher positivement la sensibilité des autres.

En échangeant lors d’une table-ronde avec Diane Moinet, créatrice de la Fresque de la Langue française, et Gildas Bonnel, Président de l’agence Sidièse, lors de la Semaine de l’entreprise responsable et inclusive (à revoir ici), 3 mots ont émergé qui résonnent très fort avec cette approche émotionnelle du langage : attention, considération et prévenance.

Si ce ne sont pas des émotions à proprement parler, ce sont des dispositions d’esprit qui composent notre intelligence émotionnelle. Et que l’on mobilise en permanence quand on pratique un langage inclusif.

S’exprimer en inclusif, c’est :

  • pratiquer le français avec une attention spécifique à représenter les personnes, notamment discriminées, aussi justement que possible. C’est « faire attention », dans le double sens de limiter les risques (ne pas blesser) et se concentrer (pour avoir un discours précis et bienveillant)
  • faire preuve de considération, c’est-à-dire tenir compte des sensibilités des autres et de la perspective des personnes concernées, notamment par les discriminations
  • démontrer sa prévenance, c’est-à-dire sa capacité à respecter, voire devancer les attentes des personnes, en choisissant un vocabulaire et des tournures de phrases qui les désignent avec soin.

Pour conclure par un contre-exemple, c’est cette fois Leïla Messouak qui a attiré mon attention sur LinkedIn (j’y passe sans doute trop de temps, ok, ok). Elle s’intéresse, dans le cadre de son travail, à la prise en charge du deuil et partageait un modèle de lettre type envoyée par une compagnie d’assurance à quelqu’un venant de perdre une personne proche.

On y lit :

Suite au décès de Monsieur (Madame ou Mademoiselle) ………………………………………………., (lien de parenté à préciser), survenu le …………………….., je procède aux démarches et formalités qui m’incombent.

Rien ne va ici : évidemment le (Madame ou Mademoiselle) entre parenthèses est tout sauf inclusif. J’ai déjà expliqué qu’on ne recommande pas l’usage des parenthèses pour créer des formes abrégées car elles sont chargées d’une connotation symbolique forte (ici, même la mort de ces femmes est entre parenthèses).

Mais surtout, comment une compagnie d’assurance peut-elle faire preuve de si peu de considération, d’attention et de prévenance dans un moment aussi traumatisant de la vie d’une personne ?

Il y aurait beaucoup à dire sur la manière dont les entreprises et les administrations maltraitent leurs clientes (et parfois leurs clients) et usagères dans les courriers standardisés et devraient s’intéresser très sérieusement au langage inclusif.

Mais ça sera pour une prochaine fois.

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Est-ce que ce monde est sérieux ?

25 novembre : les mots de la violence, la violence des mots

Ce qui me vient en tête alors que j’essaie de trouver une accroche pour cet article est l’impression de télescopage. Celui de deux évènements, un passé et un futur, qui ont mis un mot au coeur des mes réflexions et de mon activité récente sur les réseaux sociaux : la violence.

La violence du silence

une histoire de sourcils

Le premier évènement est mineur et insignifiant à l’échelle de ce que le monde vit en ce moment : après avoir été interviewée par Welcome to the Jungle sur le langage inclusif dans une vidéo qui a été beaucoup vue et partagée, notamment sur Linkedin et Instagram, j’ai reçu pour la première fois des commentaires désobligeants sur mon apparence physique. Vu leur nature absurde, ça m’a plutôt fait rigoler.


Mais ce qui m’a beaucoup moins fait rire, c’est que quand j’en ai parlé sur LinkedIn, seules des femmes ont partagé des commentaires de soutien (oui, c’est stressant cette histoire de sourcils).

Presque aucun homme ne l’a fait.

Ce n’était évidemment pas la première fois que je faisais ce constat : de manière générale, sur les réseaux, les personnes qui me suivent et réagissent à mes publications sont des femmes en grande majorité. Et apparemment, les femmes de mon entourage observent la même chose sur leur propre feed : ce sont d’autres femmes qui les soutiennent, les félicitent, les questionnent.

Là, c’était la goutte de trop. Je veux bien entendre (et encore) que les hommes aient du mal à prendre la parole sur les violences systémiques, mais sur une histoire de sourcils, non. Alors j’ai utilisé les réseaux pour essayer de comprendre les réseaux et j’ai demandé aux hommes qui me suivent pourquoi ils ne commentent pas mes publications.

les peurs des hommes

Des nombreuses interactions qui ont suivi j’ai compris les principales raisons :

  • Commenter, c’est se rendre vulnérable
    – difficulté à exprimer des émotions en général, et a fortiori en ligne
    – préférence pour les conversations privées entre hommes plutôt que les conversations publiques sur les réseaux
    – peur de s’afficher comme soutien des femmes
  • Commenter, c’est s’immiscer dans un espace où on ne se sent pas bienvenu
    – intériorisation de l’injonction à se taire pour ne pas « mansplainer« 
    – peur d’être attaqué ou rejeté
  • Commenter, c’est être intellectuellement irréprochable
    – peur d’être illégitime sur un sujet qui ne les concernerait pas
    – peur de ne pas pouvoir apporter une valeur ajoutée, de rester creux et superficiel


Ce qui me frappe dans ces raisons, c’est qu’elles sont pour beaucoup traversées par la notion de violence, et notamment la conscience de certains hommes de pouvoir ajouter de la violence à la violence (par exemple en commentant le post d’une femme qui parle d’agression sexuelle) en pénétrant (mot que j’use à dessein) dans l’espace des commentaires, un espace public (puisque sur un réseau social relativement ouvert), mais considéré comme une extension de l’espace privé des femmes, où elles se retrouveraient entre elles et rejèteraient les hommes qui voudraient en faire partie.

Ce raisonnement est dans la lignée de l’image de la maison qui circule souvent quand on essaie de décourager (en général, en vain) les trolls et autres haters qui viennent insulter ou harceler en ligne : qu’est-ce qui se passerait si je venais dans ta maison sans y être invitée pour déverser des insultes sur ton canapé ? Mon compte Insta c’est ma maison, n’y entre pas qui veut.

Dans cette logique, on peut comprendre les peurs des hommes à y entrer sans consentement car ils considèrent les publications LinkedIn des femmes comme des espaces privés, de non-mixité.

Sauf que LinkedIn, encore plus que les autres réseaux sociaux comme Instagram ou TikTok, est pour moi une continuité de l’espace public, notamment parce que (en théorie) les identités n’y sont pas anonymes. Et dans cet espace, chacun et chacune doit pouvoir s’exprimer.

Est-ce à dire qu’on devrait commenter à tout bout de champ ?
Non bien sûr. Là aussi, il faut faire travailler son esprit critique pour aviser en fonction des situations et des contextes.

Et surtout, il faut se souvenir qu’un commentaire, bien plus qu’un simple like ou une réaction, c’est aussi une manière, notamment pour les hommes, de démontrer concrètement leur engagement pour l’égalité de genre.

le chemin de Bloup

Parce que nous sommes des infatigables pédagogues du féminisme, ma copine / collègue de collectif Kapik Namias-Muntlak et moi avons imaginé un outil pour guider (celles mais surtout) ceux qui hésitent à commenter les publications écrites par des femmes (ou de manière générale des personnes) qui partagent une nouvelle professionnelle mais surtout un témoignage difficile ou un engagement politique.

Cet outil prend la forme du chemin de Bloup, un personnage qui se balade sur les réseaux, tombe sur un post qui l’interpelle mais ne sait pas s’il faut le commenter ou pas et si oui, comment.

Je vous laisse découvrir Bloup sur LinkedIn , Instagram ou en version affiche téléchargeable, diffusable et partageable à qui vous le voudrez.

Avec un peu de chance, Bloup aidera certaines personnes à se poser les bonnes questions, contribuera à diminuer le niveau des violences échangées sur les réseaux et incitera aussi certains à ne pas rester dans le silence, qui peut lui aussi être très violent.

Les mots qui disent mal la violence

Le deuxième évènement qui met la violence au coeur de mes réflexions est bien plus critique : c’est le 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes et aux minorités de genre.

Et à cette occasion, on va beaucoup parler des violences sexistes et sexuelles (les VSS) mais on va, malheureusement, souvent mal en parler (devrait-on même parler de « violences faites aux femmes », je me posais déjà la question l’année dernière).

On va entendre sur des plateaux télé, à la radio, sur les réseaux des histoires sordides d’abus sexuels, d’attouchements, de gestes déplacés, de comportements inappropriés. On va parler du phénomène des frotteurs ou on va faire le point sur les femmes tuées par leurs conjoints ou ex-conjoints, qu’on appelle encore parfois des drames conjugaux ou des crimes passionnels.

On va utiliser des expressions certes courantes mais qui ne traduisent ni la violence des faits, ni la réalité juridique ni l’impact sur les victimes.

Car les abus sexuels n’existent pas. Ce sont des viols.
Les attouchement n’existent pas, ce sont des agressions sexuelles.
La pédophilie n’existe pas, c’est de la pédocriminalité.

Employer un vocabulaire précis, et pas une euphémisation de la réalité, est critique pour éviter de renforcer la minimisation et la banalisation de ces violences

Sur ce sujet, je vous recommande fortement d’aller écouter et lire le travail des expertes de la questions des VSS et des discours sexistes dans les médias.

Parce que pour en finir avec les violences sexistes et sexuelles, il est impératif d’être capable de bien les nommer.

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Pourquoi dire et ne pas dire

Élections « américaines » ou « états-uniennes »: pourquoi le langage inclusif doit être un langage précis

Le mardi 5 novembre aura lieu l’élection présidentielle américaine. Mais depuis quelques jours, quelque chose m’interpelle dans un des mots de cette phrase : « américaine ». Parce qu’il me semble qu’outre-Atlantique, l’électorat ne s’apprête pas à choisir le ou la prochaine Présidente de l’Amérique mais des États-Unis. N’y a-t-il pas une différence ? Et étant partisane d’un langage inclusif et précis, ne devrais-je pas recommander de parler des élections « états-uniennes » ? Réponses.

Américain vs états-unien : ambiguïté vs gauchisme

J’ai passé le week-end avec un ami devenu accroc à Gémini, l’intelligence artificielle de Google. Étant moi-même une ancienne employée de la maison (où j’ai passé 10 années incroyables et trouvé ma vocation de formatrice), j’ai réalisé que je sous-exploitais cette ressource pourtant à un clic de moi. Aussi, quand je me suis lancée dans le sujet qui nous occupe aujourd’hui, j’ai interrogé Gemini.
Et j’ai réussi à le faire bugger.

Capture d'écran de Gemini : 
Faut-il parler des "élections américaines" ou "élections états-uniennes" ?


Je ne peux pas répondre aux questions sur les élections et les personnalités politiques pour le moment. J'essaie de fournir des réponses aussi précises que possible, mais il m'arrive de faire des erreurs. Pendant que je travaille à améliorer mes réponses aux questions sur les élections et la politique, vous pouvez essayer d'utiliser la recherche Google.

Gemini a préféré ne pas me répondre pas peur d’imprécision : c’est la meilleure réponse que l’algorithme pouvait me faire pour me faire l’aimer encore plus.

Finalement, en revoyant mon prompt (mon instruction à l’IA) et quelques lectures plus tard, voici l’essentiel de ma découverte :

  • la définition même du mot « américain » dans divers dictionnaires est double : « des États-Unis d’Amérique » ou « du continent américain »
  • dans la diplomatie internationale, « américain » est le terme officiel pour désigner les personnes, organisations ou politiques des États-Unis (USA)
  • cette double définition est donc une ambiguïté assumée du mot qui désigne à la fois un continent dans son entier (parfois appelé « les Amériques » pour forcer la distinction) et un pays (les États-Unis d’Amérique)
  • depuis le début du 20e siècle, le mot « états-unien » a émergé mais reste en usage très minoritaire car considéré comme péjoratif et surtout marqué politiquement (très) à gauche : il est assimilé à une critique de l’impérialisme des États-Unis et rejeté comme un néologisme au service de l’idéologie altermondialiste.

Sur ce dernier, point, il est intéressant de noter que ce néologisme suscite des discours de rejet similaires à ce qu’on observe dans le champ du langage inclusif quand on crée par exemple des néologismes inclusifs comme « auditeurice ». Sur Wikipedia, on lit que le mot « états-unien » a provoqué de vives réactions, le désignant par exemple comme :

 « néologisme particulièrement choquant, qui a déjà tenté à plusieurs reprises son entrée dans le vocabulaire géographique » (…) « porte-drapeau des cecaiens, des urssiens et autres barbarismes à proscrire ».

J’ai du mal à ne pas ressentir ici le même genre de véhémence (pour ne pas dire violence), de dégoût, de condescendance que dans les commentaires négatifs reçus par mon interview sur Welcome to the Jungle, postée la semaine dernière (les commentaires les plus savoureux se lisent sur Instagram mais il y a aussi quelques perles sur LinkedIn). Les néologismes, et plus largement l’évolution de la langue française, ça met les gens à cran. Mais passons.

Quand on lit le point de vue de spécialistes de la langue, dans la rédaction, la correction ou la linguistique, on trouve (heureusement) des perpectives plus mesurées. Je trouve que celle de Martine et Olivier, correctrice et correcteur pour le Monde, résument bien une position qui me semble raisonnable :

Pour notre part, en tant que correcteurs (sic) du site Internet du Monde, vestales de la langue française et responsables de sa bonne tenue orthographique et sémantique, nous sommes tenus d’avoir une opinion, qui est la suivante : Américain a pour lui la légitimité historique, Etats-Unien, son « challenger », est assez pertinent et comble en partie un manque lexical ; en fait, ils se complètent et nous laisserons donc les deux cohabiter… même si nous titille la tentation d’une pratique nouvelle.

Blog Langue sauce piquante, du Monde (2007)


A titre personnel, je ne suis pas gênée par l’ancrage politique à gauche du mot états-unien (ça ne devrait pas vous surprendre). Mais comme de manière générale, mon objectif est toujours la moindre résistance auprès de mon audience pour créer les conditions favorables au dialogue, j’adopte aussi des stratégies de contournement : je peux utiliser le mot « US » comme un adjectif, « des US », ou « des États-Unis » en fonction du contexte.

Mais qu’en dit-on aux États-Unis, justement ?

Réfléchir à ce qu’on dit vraiment quand on choisit un mot plutôt qu’un autre : c’est ce que je trouve tellement enrichissant dans la pratique d’un langage inclusif, en tant que défi intellectuel.

Si en France l’expression même de langage inclusif renvoie pour la grande majorité des gens à la question de la visibilisation des femmes dans la langue, avoir travaillé 10 ans dans une entreprise états-unienne (voilà) a énormément contribué à me donner une vision plus large de ce qu’on peut entendre par « langage inclusif ».

Une expression qu’on rencontre d’ailleurs aux États-Unis est celle de langage précis, « precise language« , que je trouve hyper pertinente : choisir le mot le plus précis pour désigner la réalité d’une situation ou de l’expérience d’une personne fait pour moi intégralement partie d’une pratique inclusive du langage.

« Par exemple, alors que le terme de « minorité » est toujours utilisé aux Etats-Unis comme une manière de décrire une personne non blanche, beaucoup de personnes ne l’apprécient pas ; et dans certains cas, c’est factuellement faux. En remplaçant « minorité » par un terme plus précis comme « historiquement sous-représenté », vos mots sont plus justes et empouvoirant (empowering) pour les personnes de votre entreprise qui s’identifient comme en faisant partie. »

« Striving for a more inclusive workplace? Start by examining your language », Thinkwithgoogle.com


Cela étant dit, aux États-Unis, l’utilisation du mot « american » reste la norme, à quelques rares exceptions près.

Suzanne Wertheim est titulaire d’un doctorat en linguistique et autrice du livre « The inclusive language field guide » dont je recommande vivement la lecture (pour le moment non traduit en français). Cet ouvrage offre une perspective complètement transversale à la question du langage inclusif, applicable à toutes les langues et toutes les dimensions des identités.

L’autrice propose en effet 6 principes très concrets permettant de guider sa pratique d’un langage inclusif :

  • Refléter la réalité (reflect reality) : ne pas invisibiliser la moitié de la population en pratiquant le masculin dit générique est une manière de refléter la réalité
  • Faire preuve de respect (show respect) : respecter l’identité de genre d’une personne et son pronom de choix, ou son origine éthno-raciale en faisant l’effort de prononcer correctement son prénom sont des marques de respect
  • Intégrer les personnes (Draw people in) : ne pas parler à la place des personnes concernées mais avec elles est une manière de les intégrer réellement aux conversations et situations.
  • Intégrer d’autres perspectives (Incorporate other perspectives) : se mettre à la place de quelqu’un d’autre pour ne pas minimiser son expérience vécue permet d’intégrer la diversité des perspectives
  • Éviter l’effacement (Prevent erasure) : sortir des normes hétérosexuelles, blanches et valides dans nos discours est une des manières d’éviter l’effacement des personnes historiquement discriminées
  • Reconnaître les points sensibles (Recognize pain points) : avoir conscience que certaines thématiques peuvent légitimement heurter la sensibilité de certaines personnes permet de mieux naviguer dans des sujets complexes.

J’ai donc interrogé Suzanne sur le mot « american » (et demandé à Gemini de traduire, je ne suis pas rancunière) :

En bref, oui, je suis d’accord avec toi sur l’utilisation trop large du terme « américain ». Je vois certaines personnes ici aux États-Unis faire attention et s’en éloigner.

Mais oui, les Amériques sont 2 continents et 3 régions : l’Amérique du Nord, l’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud. Les États-Unis sont le pays le plus dominant et hégémonique dans les trois régions, mais ce n’est pas parce qu’il marginalise les gens dans d’autres endroits que c’est juste.

Parler des États-Unis comme s’ils représentaient toutes les Amériques (ou même toute l’Amérique du Nord, demandez simplement aux Canadien·nes) va à l’encontre de plusieurs principes du langage inclusif : refléter la réalité, intégrer les personnes, intégrer d’autres perspectives, prévenir l’effacement.

Et pour certaines personnes, surtout au Canada pour le discours en langue anglaise, reconnaître les points sensibles. Parce qu’ils et elles en ont marre.

Français, Asiatique, Africain : attention aux gentilés totalisants

Concernant le mot « américain », je vous laisse donc faire votre choix en conscience, vous avez de quoi vous faire un avis éclairé.

Mais je vous propose d’étendre cette réflexion à d’autres termes qui mériteraient aussi de bénéficier d’une approche précise du langage inclusif : je pense notamment à tous les mots qu’on appelle des gentilés, c’est-à-dire qui désignent les populations d’une zone géographique spécifique, relativement à cette zone.

Quand on parle des Françaises et des Français, par exemple, il faut toujours faire très attention car si dans certains contextes le mot désigne les gens qui ont la nationalité française (par exemple dans le cadre d’une élection, le vote leur étant réservé), dans d’autres, comme les études de marché, on parle simplement de gens qui vivent en France, voire des Internautes francophones, sans forcément en avoir la nationalité.

Dans un contexte de montée de l’extrême-droite, de renforcement des politiques sécuritaires et migratoires, avoir une attention particulière à inclure (ou non, en fonction de ses idées) toutes les personnes personnes présentes sur le sol français dans son discours, quelle que soit leur nationalité, est une nécessité politique. Et un positionnement.

En d’autres termes, il faut faire très attention aux termes totalisants, c’est-à-dire qui englobent la totalité d’un groupe dans un mot générique et large, pour reprendre le terme lu chez Eliane Viennot. Eviter de dire l’Homme pour désigner l’humanité ou La Femme pour parler de la diversité des femmes en sont deux exemples.

De qui parle-t-on quand on dit « les Africains » ou qu’on parle de « cuisine africaine » alors que ce continent compte à lui seul plus de 1,5 milliards de personnes ? Pourquoi désigner sous le même terme des cultures aussi différentes que la culture berbère ou afrikaans, séparées de près de 8000 km ?

Il en va de même pour le terme « asiatique » : mais qu’est-ce que ça veut dire « être d’origine asiatique » quand le continent Asie couvre aussi bien l’Inde, que la Vietnam et le Japon ? Souvent, cela veut dire être « asiatiqueté·eé », pour reprendre le terme du collectif Féminin/Asie :

L’asiatiquetage est un mot-valise qui correspond au fait d’être perçu·e (étiqueté·e) comme asiatique selon certains critères physiques : posséder une certaine forme d’yeux, une certaine forme de visage, avoir des cheveux noirs et lisses, etc. Dans l’inconscient collectif, être asiatiqueté·e revient également au fait d’être perçu·e comme chinois·e. Certaines personnes asiatiques en France ne sont pas « asiatiquetées » en raison de l’histoire coloniale française. Par exemple, les personnes originaires d’Inde, du Pakistan, du Bangladesh et des pays d’Asie du Sud et d’Ouest ne sont pas toujours perçues comme asiatiques en France mais sont considérées Asians au Royaume-Uni.

Employer des gentilés totalisants (vous en aurez appris des mots, aujourd’hui), c’est donc l’inverse d’un langage précis et inclusif parce que cela nie la diversité même des populations qui composent ces zones. Je pense même que cela contribue à renforcer les biais racistes en renforçant des stéréotypes simplificateurs (et simplistes). Et plus le mot est associé à une réalité géographique étendue (notamment à l’échelle d’un continent), plus il est évident que cela nuit à la prise en compte des perspectives diverses qui la composent forcément.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut plus jamais dire américain, africain ou asiatique. Mais quand vous le faites, posez-vous simplement ces deux questions :

  • est-ce que ce terme est employé pour désigner des personnes (car c’est en premier lieu dans ce cas qu’il faut faire très attention) ?
  • quel mot plus précis pourrait-on employer à la place ?

Ainsi, en plus de cultiver votre esprit critique, vous étendrez aussi votre culture géographique. Je vous avais dit que c’est tout bénéf, le langage inclusif.

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Le langage inclusif pour les nul·les

11 raisons d’utiliser un langage inclusif en entreprise

Tout a commencé un jour de janvier 2021 alors que je descendais ma poubelle (je vous promets, ça va atterrir sur quelque chose d’intéressant, cette anecdote).

Dans le local poubelle, il y a une étagère rose où les gens de l’immeuble déposent les objets divers qui ne servent plus afin de leur donner une éventuelle deuxième vie auprès d’une voisine ou d’un voisin.

Ce matin de janvier, j’ai jeté un œil sur l’étagère et vu un livre dont la couverture m’a interpelée : Le La ministre est enceinte de Bernard Cerquiglini. Ce livre a marqué mon entrée dans le vortex du langage inclusif, vortex dont je ne suis jamais sortie.

Naissance d’une vocation

Cette histoire justifie aussi le titre accrocheur (pour ne pas dire « putaclic ») de cette vidéo qui explique les grandes étapes de mon parcours professionnel qui ont mené à la création de re·wor·l·ding.

Regardez-la, je me suis donnée du mal 👇🏻

Depuis cette trouvaille dans le local poubelle, il s’est passé quoi ?

J’ai utilisé mes collègues chez Google comme cobayes pour ma première formation : j’ai eu le grand privilège de pouvoir tester mes idées sur 350 personnes, de récolter leurs feedbacks, d’en tirer des enseignements (ça aussi je le raconte en vidéo en 2’32 sur YouTube si ça vous intéresse).

J’ai quitté Google pour me lancer à fond dans le projet re·wor·l·ding et en faire à la fois


Aujourd’hui, ça fait un an que j’ai quitté Google pour me consacrer à re·wor·l·ding et l’heure du bilan a sonné. Sur LinkedIn, j’ai partagé mes 3 enseignements de cette première année et ses chiffres marquants (chiffre d’affaires compris). Ici, je vous la livre sous la forme d’un syllogisme :

Le langage inclusif en entreprise est largement impensé.
Or ce qui n’est pas pensé ne peut pas être mis en œuvre.
Il faut donc faire penser les entreprises pour qu’elles passent à l’action pour plus d’inclusion.

Eduquer le marché, faire penser les entreprises


Ces 12 derniers mois, j’ai eu la chance d’intervenir régulièrement dans des entreprises ou sur l’invitation d’associations professionnelles, dans des conférences, table-rondes et autres apéros engagés.

A chaque fois, j’observe les visages qui s’éclairent quand je parle, les « aha moments » dans l’auditoire, les mines d’abord renfrognées qui finissent par hocher de la tête, en signe d’approbation.

Je le vois : mes arguments convainquent.

Et les arguments les plus convaincants ne sont pas ceux qui mettent en avant la justice sociale (ça serait trop beau), mais ceux qui parlent aux gens de leur métier de communicant·e, au sens large.

  • Comment faire pour avoir une communication inclusive et lisible ? Inclusive et efficace ?
  • Comment convaincre les équipes marketing ?
  • Comment aligner mes indicateurs de performance de marque avec les enjeux d’inclusion ?
  • Comment ne pas risquer le « backlash » sur les réseaux sociaux ?
  • Comment faire comprendre mes besoins à mon agence ?
  • Comment faire comprendre à cette marque qu’elle loupe une opportunité dans son brief ?

Il se trouve qu’après 3 ans à creuser le sujet, j’ai des réponses à ces questions. Quand je l’écris, ça sonne prétentieux mais pour reprendre les mots de Brené Brown, ce n’est pas de la prétention, c’est de la « grounded confidence ». De la confiance ancrée dans ma certitude que je ne sais pas tout, mais que j’ai passé assez de temps à penser ces sujets pour identifier des pistes très concrètes pour comprendre et passer à l’action.

En gros, j’ai fait sortir le langage inclusif de mon local poubelle.

Mais maintenant, j’aimerais bien que tout le monde fasse pareil. C’est pourquoi j’ai développé un nouvel outil à ajouter à ma grande besace de l’éducation au langage inclusif.

Un condensé d’expertise à deux clics d’ici

La semaine dernière, j’ai donc publié le premier ebook de re·wor·l·ding qui s’appelle Le langage inclusif, ce levier auquel vous n’aviez pas pensé pour une com plus juste, plus créative et plus efficace.
Son sous-titre : 11 raisons de s’y mettre et 15 manières de passer à l’action dès maintenant.

Visuel de la couverture du ebook dans une tablette



Je l’ai voulu simple, illustré d’exemples du quotidien, pratique dans ses applications. Et gratuit.

Gratuit, pas parce que j’estime qu’il ne vaut rien. Mais gratuit parce que je suis convaincue qu’il contient des éléments de réflexions cruciales pour une pratique responsable et citoyenne de la communication. Disons que c’est ma manière de faire de l’éducation populaire, si on veut.

Si vous suivez re·wor·l·ding, c’est que le sujet du langage inclusif vous intéresse. Il est même fort probable que vous en avez déjà une pratique, même si elle est sporadique. Il est aussi probable que vous travaillez dans une entreprise ou organisation où on le pratique, de manière plus ou moins assumée. Ou qu’on ne le pratique pas du tout et que vous aimeriez convaincre de son utilité.

J’ai compilé dans cet ebook les 11 principales raisons d’adopter un langage inclusif, classées par type de métier. Les arguments qui parleront aux personnes de la com et de la pub, ceux qui toucheront les RH ou encore les responsables RSE.

J’ai également listé 15 idées d’actions à mener qui prennent littéralement entre 3 secondes à 6 mois à mettre en œuvre, avec ou sans budget.

J’ai surtout tenté de trouver les manières les plus simples et abordables pour comprendre vraiment ce qu’est le langage inclusif, au-delà de l’écriture inclusive, du point médian, des polémiques qui ne permettent pas d’avancer : sans jargon, avec humour (j’espère) et dessins à l’appui.

Voyez ça comme mon cadeau pour fêter le premier anniversaire de la newsletter re·wor·l·ding.
Il vous plaît ? « Feedback is a gift », comme on dit chez Google, alors j’attends vos commentaires en retour 😉

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Est-ce que ce monde est sérieux ?

La France, à la traîne sur le langage inclusif ?

En vacances, j’oublie tout. Enfin, disons que j’essaie d’opérer une déconnexion totale du travail : pas de LinkedIn ni d’Instagram, pas d’email de boulot, pas de création de contenu que personne ne lit de toute façon.
Mais comme mon principal sujet d’expertise, c’est le langage inclusif et que je passe mon temps à décortiquer la présence et l’absence de langage inclusif dans l’espace public, c’est difficile de mettre des œillères sous prétexte que c’est le mois d’août. Mes lunettes inclusives, je les porte 24/7.
Je vous propose donc un petit récap de ce qui m’a tapé dans l’œil (et dans l’oreille) pendant mes vacances.

L’Écosse : sans Nessie mais en inclusif

La première étape de mes vacances a été un séjour de 10 jours en Écosse : je ne vais pas vous faire un compte-rendu détaillé du voyage, je ne peux que vous recommander d’y aller au moins une fois dans votre vie si vous en avez l’opportunité. C’est sublime (et faisable en train).

J’étais déjà allée en Ecosse il y a une douzaine d’années mais en 2012, mon attention aux questions de diversité, d’équité et d’inclusion n’était pas si développée. Cette année, j’ai été scotchée.

Que ce soit dans les parcs nationaux, dans les toilettes d’un hôtel ou en visitant un château, partout j’ai observé 3 choses :

  • Une attention manifeste à la diversité et la mixité de genre des représentations : oui, on peut montrer un homme noir faisant de la randonnée, oui l’histoire est faite par les héros et les héroïnes, oui, les femmes aussi ont été pionnières de l’alpinisme.
  • des standards d’accessibilité pour une expérience culturelle inclusive : exemple le plus frappant, la visite du Yacht Royal Britannia avec un audioguide aussi disponible dans une version pensée spécifiquement pour les personnes aveugles et malvoyantes, un script disponible en Braille, une version en langue des signes anglaise, des scripts en 30 langues différentes pour les personnes sourdes ou malentendantes, et une version dans un anglais simplifié pour les personnes avec des difficultés d’apprentissage. Rien que ça.
  • La déconstruction des stéréotypes, jusque dans les toilettes, avec des pictogrammes non-genrés

Je vous laisse juger par vous-mêmes 👇🏻

Autant vous dire que par comparaison la France semble bien en retard. Même si cet été, on a certainement fait quelques progrès.

Jeux 2024 : « Levez-vous, si vous le pouvez »

Depuis l’Écosse, j’ai suivi la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024. Il a beaucoup été dit et écrit sur cette cérémonie, et je ne peux qu’ajouter ma voix à celles qui ont loué la diversité des représentations qui ont été offertes aux millions de spectateurs et de spectatrices. C’était beau, c’était émouvant, c’était drôle, c’était audacieux, c’était féministe, c’était inclusif.

Cela étant dit, il y a peut-être un élément moins visible que les performances de la cérémonie d’ouverture que je retiens particulièrement parce qu’il rentre parfaitement dans le cadre de ce que je considère être un langage inclusif : il est de rigueur que lors de la diffusion des hymnes nationaux pendant les cérémonies d’ouverture ou de clôture, et même à chaque remise de médaille, on demande au public de se lever. Or Paris a inauguré la mise à jour de ce script pour y intégrer une phrase très simple mais profondément inclusive : « Levez-vous, si vous le pouvez », « quatre mots imaginés par Ludivine Munos, en charge de l’accessibilité pour Paris 2024, qui sonnent comme « une révolution » pour les personnes en fauteuil roulant ou ayant un handicap invisible » (Le Parisien, 7 août 2024).

« L’idée, c’était que les personnes en situation de handicap ne se sentent pas différentes et mal à l’aise au moment des hymnes, ça enlève une gêne, ça va déculpabiliser », analyse dans le quotidien la triple championne paralympique de natation, médaillée aux Jeux d’Atlanta, de Sydney et d’Athènes.

« Levez-vous si vous le pouvez »: aux JO, la formule unanimement saluée, témoin d’une cérémonie plus inclusive, RMC Sport, 12 août 2024

De nombreuses personnes handicapées se sont exprimées pour saluer cette mise à jour : 4 mots qui ont n’ont pas coûté un centime mais ont eu un véritable impact sur le sentiment d’inclusion de milliers de personnes. Imbattable comme ROI.
C’est ce que partage aussi Tony Estanguet, triple champion olympique de canoë et président du Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 :

« L’inclusion, ça va jusqu’à utiliser les bons mots pour essayer d’embarquer le plus de monde, d’être le plus tolérant et le plus respectueux possible. Sans le vouloir, on peut parfois être discriminant. »

Une bonne occasion aussi de s’interroger sur la manière de parler des personnes concernées par le handicap : personne en situation de handicap ? personne handicapée ? handi ?
Une question sans réponse unique mais qui est emblématique, à mon sens, de l’esprit critique qu’il faut déployer quant au vocabulaire qui désigne les personnes discriminées. J’en parlais sur la scène du salon Inclusiv’Day il y a quelques mois : vous pouvez toujours écouter mon intervention de 20 minutes sur le site de l’évènement.

Alors oui, on a fait des progrès cet été, mais vont-ils durer ? Réussira-t-on à dépasser l’activisme performatif, c’est-à-dire le fait de donner en spectacle des valeurs de façade sans réel engagement ou pratique concrète ? Pour ce qui est de Thomas Jolly, directeur artistique des JO, je n’ai pas de doute sur l’authenticité de l’engagement. Pour notre nouveau gouvernement, qui a supprimé le mot « handicap » du nom de ses ministères, je suis moins sûre.

Du métro parisien à la campagne icaunaise, l’inclusif s’affiche

Après l’Écosse, direction l’Yonne en Bourgogne : là, sur le bord d’une départementale, je vois des affiches promouvant les métiers de la petite enfance dans L’Aillantais, avec une formulation inclusive utilisant le point médian : « Assistant·e maternel·le. Pourquoi pas vous ? » Je m’arrête pour prendre l’affiche en photo, qui résonne très fort avec l’article écrit quelques mois plus tôt sur les dictatrices et les assistants maternels, où je traite de l’accord de majorité pour les professions très genrées.

Affiche sur un bord de route représentant un bébé sur laquelle on peut lire : Assistant·e maternel·le, pourquoi pas vous ?


A l’Intermarché de Saint-Florentin, les briques de lait de la Marque du consommateur ont eu droit à un relooking inclusif : cette fois, c’est la productrice qui est rémunérée au juste prix. Écho direct à mon article sur les agricultrices invisibilisées, et explication découverte sur LinkedIn quelques jours plus tard.

Pack de 6 briques de lait où on lit : "Ce lait rémunère au juste prix sa productrice"

De retour à Paris, en 4 par 3 dans le métro, une campagne de la marque Nyx, du groupe L’Oréal, qui se positionne comme « Maquillage professionnel et accessible à tous.tes ». Là, je me dis que quand même, on a gagné quelque chose : certes, c’est une marque au positionnement jeune, extravagant dans ses produits, et disons-le même queer dans son discours, mais ça reste une marque du premier groupe de cosmétique au monde, une marque grand public, une campagne d’envergure dans le métro. I mean, cool.

Affiche dans métro pour la marque de maquillage Nyx, on on voit le slogan "Le gloss qui passe crème. Maquilllage professionnel et accessible à tous.tes"

Tout ça me réjouit parce qu’il n’y a rien que j’aime plus que les exemples pour expliquer de quoi je parle, et il est vraiment chouette d’en avoir des bons, pas que des mauvais.
Le 18 octobre, je passerai d’ailleurs 1 heure à décrypter des études de cas dans la cadre de la #SERI, la Semaine de l’entreprise responsable et inclusive, organisée en partenariat par l’Association des Managers de la Diversité et le Mouvement des entreprises de France.
C’est un webinar gratuit et accessible à toutes et à tous, sur inscription obligatoire ici. Venez, vous repartirez avec des illustrations concrètes dont vous inspirer (ou pas) pour promouvoir l’utilisation d’un langage inclusif.

Flyer pour la SERI, semaine de l'entreprise responsable et inclusive.

Conclusion : certes, l’Ecosse est en avance, mais la France se défend. Ne relâchons pas nos efforts.