« Comment écrire en écriture inclusive » : quand on fait cette recherche sur Internet, on tombe sur de nombreux articles qui détaillent les règles de l’écriture inclusive (moi, je préfère parler de conventions), listent les outils disponibles et proposent des exemples d’écriture inclusive, souvent de simples phrases qui passent du masculin dit générique à une version avec point médian ou mots épicènes.
Tout cela est très bien (et nécessaire) mais il manque souvent à ces articles une vue plus holistique des différentes techniques du langage inclusif (formulation que je préfère à écriture inclusive) qui permette de mieux comprendre les différences entre ces outils et de faire des choix stratégiques.
Cette matrice, je l’ai créée pour vous (avec l’aide de mon fils de 11 ans, vous allez comprendre).
Écriture inclusive : comment faire ?
Commencer par ranger sa boîte à outil
Je dis souvent que le langage inclusif, c’est comme une boîte à outils.
Quand on veut construire une table, on n’utilise pas qu’un marteau. On utilise aussi une scie, un tournevis, et j’en passe.
Pour créer un texte ou un discours en inclusif, c’est pareil : on n’utilise pas qu’une seul outil, comme la ponctuation ou les doublets.
Utiliser les bons outils permet d’avoir une table jolie et stable. De même, utiliser la palette des outils du langage inclusif permet d’obtenir un texte agréable à lire et efficace.
Mais tous les outils ne produisent pas les mêmes effets.
Alors comment les choisir ?
Les questions à se poser quand on écrit en inclusif
Il faut partir du contexte dans lequel le texte sera reçu : on ne va pas s’exprimer de la même manière dans un email à sa famille ou une présentation pour des client·es.
Il est alors utile de se poser ces 2 questions :
- Quelle est mon audience ?
Est-ce que les gens à qui je m’adresse ont l’habitude de voir des textes en inclusif ou pas ?
Est-ce un groupe militant ou une audience dont je ne connais pas du tout les valeurs ? - Quel est mon objectif ?
Je ne veux pas exclure les femmes en choisissant des formulations qui neutralisent ou je veux leur donner encore plus de visibilité ?
Répondre à ces questions permet de choisir l’outil le plus pertinent dans un contexte donné et de varier d’utilisation en fonction de :
- son objectif de visibilisation des femmes : neutraliser, égaliser, visibiliser, réinventer.
Parce qu’on sait que toutes les formes de langage inclusif n’ont pas la même efficacité pour créer des représentations mentales féminines (par exemple, les épicènes sont moins efficaces que les doublets)
- la réaction anticipée de l’audience : adhésion facile ou résistance probable.
Parce qu’on sait que certaines formes de langage inclusif (et surtout d’écriture inclusive) sont plus consensuelles que d’autres. Typiquement, le point médian crée beaucoup de résistance là où la féminisation des noms de métiers est largement acceptée.
La matrice Evoli, d’évaluation des outils du langage inclusif
Pour vous aider à vous repérer, j’ai créé un outil d’aide à la décision.
C’est une matrice d’évaluation des outils du langage inclusif. Ou Evoli.
Comme le Pokémon Evoli qui a la capacité d’évoluer vers tous les types de Pokémon en fonction de son environnement (vous comprenez pourquoi j’ai demandé de l’aide à mon fils, maintenant ?).
Cette matrice classe les principaux outils du langage inclusif sur 2 axes :
- leur efficacité pour créer des représentations mentales féminines
- leur adhésion ou résistance anticipée en fonction de leur caractère plus ou moins identifiable comme étant des outils du langage inclusif.
Sur cette matrice, vous voyez comment se positionne chaque outil du langage inclusif.
Sur cette version, j’ai positionné des exemples de chacun de ces outil du langage inclusif pour être encore plus concrète.
10 exemples d’écriture inclusive vus dans la rue
Observons quelques exemples d’écriture inclusive sur des supports publicitaires afin de mettre en pratique cette matrice et de réaliser que le langage inclusif est déjà très largement utilisé en communication.
Pour info, ici je parle d’écriture inclusive parce que ce sont des exemples écrits (et que c’est bon pour le référencement de cet article), mais la plupart de ces exemples fonctionnent à l’oral (sauf la version ponctuation).
Exemple d’écriture inclusive #1 : les doublets
A Paris, Le magazine des Parisiennes et des Parisiens : permet de renforcer l’adresse globale à toute la population de Paris. Et c’est cohérent avec la pratique habituelle de la Mairie de Paris, très engagée sur la question du langage inclusif.
Efficacité maximum, adhésion facile.
Exemple d’écriture inclusive #2 : la ponctuation
Ici un point médian, mais existe aussi avec des parenthèses, des points finaux, des tirets, et j’en passe…
Efficacité importante, résistance très probable dans la population générale, certainement moins pour la cible de Passage du désir, positionnée comme une marque engagée sur les questions de genre.
Exemple d’écriture inclusive #3 : la féminisation ostentatoire
J’adore ce exemple : parce si le mot femme n’était pas là pour préciser de quelles photographes on parle, on penserait à une exposition bien différente. Attention, les épicènes peuvent être des faux-amis du langage inclusif quand ils désignent des métiers très genrés.
Efficacité maximum, adhésion facile.
Exemple d’écriture inclusive #4 : termes englobants
Clientèle, patientèle, direction, personnel…des mots très pratiques pour éviter le masculin dit générique.
Efficacité moyenne (comme pour les mots épicènes qui neutralisent mais ne visibilisent pas) mais adhésion très facile.
Exemple d’écriture inclusive #5 : formulations non genrées
L’adresse directe à la deuxième personne est souvent une excellente manière de contourner les formulations genrées, comme dans cet exemple.
Efficacité moyenne (même si l’idée de mettre une femme en visuel est excellente pour contrecarrer les stéréotypes de genre), adhésion facile.
Exemple d’écriture inclusive #6 : les néologismes
Les néologismes, ou mots nouveaux, peuvent être très pratiques dans certains contextes et signalent un engagement fort ; ils présentent aussi l’avantage d’inclure les personnes non-binaires.
Mais il ne sont pas toujours compréhensibles par le plus grand nombre, notamment les personnes dont le français ne serait pas la langue maternelle. Ils sont aussi rejetés par une majorité de la population. Aussi ce théâtre prend-il un risque, certes mitigé par la connaissance de son public cible attiré par une programmation très ancrée dans les questions de genre.
Efficacité moyenne, résistance probable.
Exemple d’écriture inclusive #7 : mot épicène
Depuis que je m’exprime en inclusif, j’utilise beaucoup plus le mot « personne », comme sur cette affiche. Mais sans préciser de qui on parle, les stéréotypes liés au secteur (« métier pour hommes », « littérature pour femmes »…) prennent le relais, aussi l’efficacité pour rende visibiles les femmes est moyenne. En revanche, l’adhésion est facile puisque c’est un simple choix de vocabulaire alternatif, très courant.
Une matrice c’est cool, une formation c’est mieux.
La matrice Evoli est un des outils que j’ai développés en tant que formatrice au langage inclusif. Après avoir exposé les enjeux du langage inclusif et ses grandes conventions, elle me permet d’amener l’idée de la boîte à outils comme étant un espace de créativité : la multiplicité des outils peut faire peur, c’est vrai, mais c’est surtout une opportunité pour travailler des textes avec une contrainte créative qui nous pousse à plus de diversité rédactionnelle, de précision et donc, d’inclusion.
Si vous avez envie d’aller plus loin dans l’exploration de cette matrice et ancrer une pratique pérenne du langage inclusif dans votre vie pro et perso, les inscriptions à la prochaine session de formation collective sont ouvertes.
C’est une formation inter-entreprises où on se retrouve en petit groupe, pour 3 sessions de 2h en visio espacées de 2 semaines, avec 3 objectifs :
- maîtriser les outils
- identifier les freins, les lever et apprendre à argumenter
- trouver une pratique qui nous convient, alignée à nos valeurs et réaliste à mettre en oeuvre
Les dates du prochain cycle de formation sont les mardi 20 mai 2025, 3 et 17 juin de 10h à 12h.
Retrouvez le programme détaillé, les tarifs et formulaire d’inscription sur le catalogue re·wor·l·ding sur Digiforma. Et si vous avez envie qu’on en parle de vive voix, contactez-moi !
Une formation noté 5 étoiles par les apprenant·es (et plus de témoignages ici).