Depuis trois ans environ, j’agis au sein de mon entreprise en faveur de la diversité et de l’inclusion. Mais ce n’est que dans les derniers mois que je me suis particulièrement intéressée à la question de l’écriture inclusive, puis du langage inclusif. La bonne nouvelle, c’est que si vous êtes arrivé·e jusqu’ici, vous n’allez plus tâtonner longtemps, car la pratique est en réalité très simple.
Des conventions qui s’établissent
Ce qu’il est fondamental d’avoir à l’esprit quand on parle d’écriture inclusive, c’est que nous sommes à un moment où les conventions se stabilisent mais qu’il n’existe pas encore une règle communément admise par tous et toutes pour son usage. L’Académie Française a préféré être en opposition totale à l’écriture inclusive pendant des années plutôt que de proposer une convention qui normaliserait un usage partagé.
Si bien qu’aujourd’hui, les pratiques varient beaucoup : recours au point final (avocat.e), médian (avocat·e), parenthèses (avocat(e) ), majuscule (avocatE), même italique (avocate)… et les débats autour de l’écriture inclusive (dont certains très légitimes comme sa lisibilité par les personnes dyslexiques par exemple) sont souvent frustrants, car personne ne parle pas de la même chose.
Pour me former à la question, j’ai suivi un atelier animé par l’agence Mots-Clés, très active dans le domaine, et qui participe, avec Eliane Viennot (historienne et critique littéraire, autrice de Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin !, une référence en la matière) et le Haut Conseil pour l’égalité femmes-hommes (qui a rédigé en 2016 ce rapport Pour une communication publique sans stéréotype de sexe), à une tentative de convergence. Les principes que je pratique et encourage ici sont les principes portés par ces personnes et institutions.
Les 3 principes clés
Utiliser les déclinaisons féminines des noms de métiers et fonctions quand on parle de femmes
On dit bien la ministre, la présidente, une directrice, une autrice et non pas Madame Le Directeur.
Utiliser les déclinaisons féminines et masculines, que ce soit par l’énumération par ordre alphabétique, le recours aux termes épicènes ou l’usage raisonné du point médian.
L’énumération : comme Charles De Gaulle qui a inauguré le « Françaises, Français » ou Emmanuel Macron qui a systématisé l’emploi de « Celles et ceux » dans ses discours (au grand regret de certains, et peut-être certaines).
Les termes épicènes ne sont pas marqués en tant que masculin ou féminin, comme artiste, membre ou peintre*. On accorde alors seulement l’article (la peintre, une artiste).
Le point médian est favorisé aux autres formes de ponctuation comme le point final ou la parenthèse car il n’a aucune connotation (on ne met pas les femmes entre parenthèses) et reste neutre. On réserve son usage aux mots dont la forme masculine et féminine sont proches comme étudiant·e ou chirurgien·ne, mais on l’évite quand elles sont trop éloignées comme créateurs et créatrices qu’on préfère à créateur·ices (pour des raisons de lisibilité sur lesquelles on reviendra).
Ne pas dire Les hommes ou l’Homme pour parler de l’Humanité, ni La Femme pour parler des femmes de manière générique.
Quelques conseils pratiques
Insérer le point médian
Sur un Mac : SHIFT + ALT + F
Sur PC : Alt + 0 1 8 3 : le point médian apparaît en relâchant Alt.
Il existe aussi des extensions pour navigateur qui convertissent automatiquement le point final en médian comme e·i·f (écriture·inclusive·facile).
Eviter les formulations qui rendent la lecture plus difficile comme agriculteur·ices ou iels (pour ils et elles) au profit de l’énumération ou des épicènes (nous reviendrons sur l’invention de ces nouveaux mots inclusifs par essence).
Garder en tête que les formulations écrites s’oralisent facilement : à l’oral, on lit M. en “Monsieur” et Mme en Madame, on peut donc bien lire l’avocat·e en “l’avocat ou l’avocate”
Préférer les formulations qui permettent une distinction claire du féminin et du masculin (notamment à l’oral) : autrice plutôt qu’auteure, mairesse plutôt que maire.
Ecriture inclusive ou langage inclusif ?
Les débats qui agitent la France (et plus la France que les autres pays d’ailleurs) se cristallisent autour de l’écriture inclusive. Nous reviendrons sur les arguments qui animent ce débat, mais sur re·wor·l·ding je privilégie l’expression langage inclusif.
L’écriture inclusive désigne l’ensemble des attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes
Agence Mots-clés
Parler d’écriture inclusive c’est se limiter aux signes qu’on tape sur son clavier, son téléphone, ou qu’on écrit au stylo plume (typiquement le point médian).
Pour moi, parler de langage inclusif (dont l’écriture est un volet, comme l’écrit Eliane Viennot), c’est élargir le champ à tous les mots ou expressions qui en soi portent une dimension sexiste (ou d’une autre forme de discrimination), comme leadership féminin, putaclic ou affaires de bonnes femmes.
Le quatrième principe
Ce n’est pas en un article qu’on peut faire le tour de la question, et il y aura encore beaucoup à dire notamment sur les arguments qui s’affrontent autour du langage inclusif, sur les pratiques plus créatives des militant·es de l’inclusif et sur l’invention de nouveaux mots qu’on pourrait aussi avoir envie d’insuffler au français qui, après tout, est une langue vivante.
Mon objectif ici est de partager du contenu qui soit accessible et pratique. Les 3 règles partagées ici sont simples à retenir et doivent être largement diffusées.
Le quatrième principe du langage inclusif, c’est faire de son mieux, garder en tête qu’il n’y a pas une seule façon de rendre un texte inclusif, qu’on va certainement se tromper (et moi la première). Etre bienveillant·e avec soi-même, écouter les commentaires, reconnaître ses erreurs et progresser, c’est déjà contribuer.
* Les mots peintresse, philosophesse, libraresse (femme libraire) ont également existé et étaient d’usage courant il y a plusieurs siècles. Ils pourraient fort bien être utilisés mais par simplicité et pour éviter les fortes résistances, je les considère ici comme épicènes.