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Le langage inclusif pour les nul·les

3 trucs pour rendre vos présentations inclusives

Cela fait de nombreuses années qu’une bonne partie de mon travail consiste à créer du contenu sous la forme de présentations. Des slides, quoi (ou diapositives en français).

Je comprends que l’idée de pratiquer un langage inclusif, notamment dans le milieu professionnel, puisse être vue comme une contrainte supplémentaire, en plus du temps passé à écrire, mettre en page ou faire valider le contenu.

Cela dit, on peut résumer en 3 trucs simples et accessibles la pratique d’un langage inclusif dans vos rendez-vous professionnels.

1. Partir du bon pied avec un salut inclusif

J’ai détaillé ici les raisons pour lesquelles je ne dis (presque) plus “bonjour à tous” lors de rendez-vous. Je vous encourage à faire de même, et à privilégier les formulations inclusives comme un simple bonjour ou bonjour à tous et à toutes.
Un automatisme très facilement adopté, je vous promets.

2. S’abstenir de parler systématiquement des consommateurs, des utilisateurs, des clients, des collaborateurs…


C’est le fondement même de la pratique d’un langage inclusif : s’assurer une juste représentation des genres dans la langue pour éviter, entre autres, de rendre invisibles les femmes.
Il est très tentant de céder à la facilité de se référer à toutes les personnes qui consomment comme des consommateurs, ou à la clientèle comme aux clients. C’est habituel et c’est plus court que l’énumération “consommateurs et consommatrices”, ce qui est dans certains cas un vrai enjeu (comme quand le nombre de caractères est limité par l’espace disponible ou par Twitter).
Mais je ne compte plus le nombre de fois où j’ai vu des présentations où l’on parlait des consommateurs d’un produit clairement markété pour des femmes (comme des shampooings, dont on pourrait d’ailleurs aussi discuter du positionnement “pour les femmes”), ce qui est tout aussi absurde.
Aussi, pour moi le principal point de vigilance quand on rédige des présentations est de s’assurer qu’on n’utilise pas le masculin pour parler d’un groupe mixte, et donc qu’on ne parle pas des utilisateurs d’un produit quand il y a à la fois des hommes et des femmes (ce qui est quasiment toujours le cas).

Je vous renvoie aux 3 règles très simples du langage inclusif pour en savoir plus la mise en pratique de cette recommandation mais en gros, choisissez l’énumération dès que possible (utilisateurs et utilisatrices). Le point médian peut être utilisé quand les versions masculines et féminines sont proches (avocat·e qui se lit à l’oral en avocat et avocate), mais rien n’oblige à son usage.
Une autre très bonne piste consiste à utiliser des mots alternatifs non marqués en genre : la clientèle (pour les client·es), les Internautes (pour les utilisateurs et utilisatrices d’Internet), les équipes (pour collaborateurs et collaboratrices)…

3. Utiliser des images d’illustration inclusives

Les images sont aussi très importantes : j’ai déjà bondi de ma chaise en voyant une image représentant une session de brainstorm où on ne voyait que des hommes (blancs de surcroît). Ce n’est pas à dire que ce genre de situations n’existent pas dans la vraie vie, mais les images que l’on choisit dans ces centaines de slides qu’on produit contribuent à renforcer des stéréotypes. On retrouve d’ailleurs ces stéréotypes dans les banques d’images gratuites quand on recherche par exemple une image pour illustrer un discours : ici, la recherche speech sur Unsplash renvoie quasi exclusivement des images d’hommes qui font des discours. De même, choisir systématiquement l’image d’une mère quand on parle de parents (pour vendre des couches) ou celle d’un homme en costume quand on parle de dirigeant·es (pour parler de leadership) renforcent les stéréotypes sur la place des femmes : auprès des enfants mais pas dirigeante. Choisir systématiquement des personnes blanches pour illustrer ces mêmes fonctions est tout aussi dommageable car cela invisibilise les personnes racisées (et il en va de même pour les autres formes de discriminations basées sur une différence visible, comme le validisme).

Des solutions existent : les emojis inclusifs sont disponibles de manière native dans nos outils, PowerPeople propose de construire des avatars divers, des banques d’images inclusives se multiplient, et The Gender Spectrum collection offre une galerie de 180 images pour aller au-delà du genre et représenter aussi les personnes non-binaires.

Et si demain on créait des comités de relecture inclusive en entreprise ?

J’ai récemment découvert la création d’une nouvelle fonction au sein des rédactions de média, celle de gender editor, Mediapart lançant la vague française de cette tendance déjà internationale, comme expliqué dans cet article de CheekMagazine, en nommant Lénaïg Bredoux à ce poste. Au sein d’une rédaction, ce rôle consiste à assurer une juste représentation et un juste traitement des questions liées au genre, par exemple que les titres des articles parlant des violences sexistes et sexuelles ne minimisent pas ces actes avec des formulations de type : “une femme se fait violer par un amant éconduit” qui contribue à la culture du viol (une femme ne se fait jamais violer, elle est violée et parler d’amant éconduit instille l’idée que l’auteur du viol avait une raison de violer, comme si être éconduit était une circonstance atténuante).
Ce prisme pour le moment essentiellement femmes/hommes et cet ancrage journalistique pourrait très bien s’élargir et on pourrait imaginer, notamment en entreprise, avoir des référent·es formé·es aux questions de langage inclusif et qui, à l’image des secrétaires (femme ou homme) de rédaction apporteraient une relecture inclusive des contenus produits dans le monde professionnel.
S’il paraît difficile de mettre cela en place dans tous les services d’une entreprise (ou quand on travaille seul·e), deux pistes sont selon moi à privilégier :

– systématiser la relecture par une personne tierce au moins des présentations & textes les plus importants, en demandant à cette personne de rechercher activement les mots ou expressions sexistes, mais aussi racistes, validistes, homophobes… C’est difficile sans formation et pas forcément exhaustif mais c’est un début.

– systématiser dans les services producteurs de contenus externes (notamment les équipes marketing et communication au sens large) la formation d’au moins une personne référente chargée de cette relecture.
Je sais que cela existe déjà dans certaines entreprises (même si on trouve encore peu d’informations sur ce sujet).

Ces comités de relecture inclusive seraient un vrai signal aussi en interne de la prise au sérieux de la question du langage inclusif, et plus généralement de la juste représentation des personnes dans leur diversité.

En attendant l’arrivée de ces comités, les 3 conseils simples partagés ici devraient vous permettre de repérer une grande partie des expressions non inclusives de vos présentations. Et on se rappelle que l’objectif est de lancer un mouvement vers le langage inclusif en sachant bien qu’on va se tromper et forcément oublier des choses. Progress, not perfection.